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II


Comme Gogol, Korolenko est petit-russien ; comme Dostoïevsky, il a connu les rigueurs de la Sibérie. La poétique Petite-Russie et la morne Sibérie nous l’ont comprendre l’œuvre de Korolenko : Le rêve de Makar, L’évadé de Sakhaline, Le Musicien aveugle, etc.

La Petite-Russie est un pays de chants et de rêves. Livrée aux quatre vents de la steppe, ouverte jadis au passage de toutes les bordes asiatiques, la Petite-Russie est comme un trésor que la nature a laissé tomber de sa main et qu’elle a abandonné sur la grand’route. Le Petit-Russien rapporte au sillon tous ses sentiments, toutes ses aspirations, il en fait un confident de ses chagrins. Lorsque des soucis le chassent de sa chata (maison), il s’en va dans les champs : la nature l’apaise...

Le Petit-Russien ne fait rien sans chanter ; son travail de tous les jours, ainsi que les événements de sa vie, sont accompagnés d’un chant. Lorsque sa faux siffle dans le blé, il chante en conduisant sa charrue, et l’alouette invisible lui répond. Ils se comprennent tous les deux. La nuit, quand il mène au pâturage son bétail et ses chevaux, il chante, tandis que tout dort dans la campagne. Et alors ce n’est pas un seul homme qu’on entend, c’est toute une bande nombreuse qui, en chevauchant dans l’obscurité, entonne un chœur. Ces chants font rêver au passé, c’est toute une histoire qu’on entrevoit à travers le joug et