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II


Maxime Gorki est un écrivain fécond, créateur, son don d’observation est très puissant et l’imagination créatrice jaillit chez lui comme une source vivante ; il y a des vrais sanglots dans son style, inégal, mais toujours plastique, voluptueux, fiévreux, plein de mouvement. Il sait évoquer, en quelques lignes, tout un monde d’images, sombres ou colorées, riantes ou tragiques, faire surgir, au milieu du tumulte des métaphores, le flot des idées. Romantique par la forme, il est réaliste par le fond, il n’analyse pas, il croque, dessine, peint. Restant toujours dans les limites de la réalité, Gorki, à de rares exceptions près, se tient à la hauteur d’un véritable poète, il possède à merveille le don émotif. Sa langue est rude, violente, mais sonore ; ses descriptions sont animées, vigoureuses. Il évoque la vie avec une intensité remarquable ; il voit la vie partout, la nature elle-même lui semble éloquente, il lui attribue une force vivante, il croit qu’elle sent et qu’elle comprend. La nature joue un rôle prépondérant dans ses récits, à elle il rapporte tous ses sentiments, toutes ses pensées, il s’en sert pour faire des comparaisons poétiques et philosophiques, il la fait confidente de ses chagrins, de ses idées… « La mer sommeille (mer Noire), immense, soupirant paresseusement le long de la grève, elle s’est endormie, paisible en sa vaste étendue, baignée par le rayonnement bleu de la lune. Douce comme le velours, elle se confond avec