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Page:Ossip-Lourié - Nouvelles Pensées de Tolstoï.djvu/15

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AVANT-PROPOS III

faiblesses des hommes pour ne pas découvrir tout ce qu’il y a de recherché et de convenu dans des Pensées écrites avec le dessein arrêté d’affronter le jugement du public. Il y a, plus ou moins, de la confession dans les réflexions incisives qu’un auteur consigne sur les hommes et sur les objets. Il fait rarement abstraction de son moi. Dans des pensées détachées c’est l’idée seule de l’écrivain, l’idée maîtresse, qui est présente, sa personnalité n’y subsiste que si elle porte en elle-même un principe, une force morale. C’est le cas de Tolstoï.

L’habitude de réfléchir sur chaque sujet en particulier force le penseur à ne pas se préoccuper de l’ensemble ou d’un ensemble. Une pensée détachée de l’ensemble ne s’en sépare jamais : elle en est la synthèse, l’essence. La pensée émise par l’auteur est exempte de toute preuve scientifique ; pour arrondir la sentence, il est souvent obligé de sacrifier la vérité; il veut sa pensée vive et condensée, et elle devient plutôt un aphorisme qu’une idée, une conception ; nous ne savons pas comment elle est conçue, sur quoi elle repose. La pensée détachée ne nécessite pas la concision ; il est très aisé

par A. Pauly, conservateur à la Bibliothèque Nationale. Paris, 1883).

La Rochefoucault n’avait qu’une seule idée en écrivant ses maximes : se mieux présenter au public. Aussi ne réflètent-elles, sous des aspects variés, que l’amour-propre blessé de l’auteur et sa morale égoïste. Si on l’a surnommé prince des moralistes c’est sans doute parce qu’il était le moraliste des princes.