VI AVANT-PROPOS
Morus, le cherem¹ à Spinoza. Le Synode russe se chargea de décerner à Tolstoï cette couronne immortelle. Sans doute, pour un pays qui a encore recours à la torture, l’excommunication est un vain mot et, pour rester fidèle à elle-même, la Russie aurait dû mettre et abandonner Tolstoï dans la forteresse de Pierre et Paul dont la silhouette sinistre se mire dans les eaux douces de la Neva. On se demande pourquoi la Sainte-Russie n’a pas accompli, dans cette circonstance, ce qu’elle envisage comme sa « tâche historique ». L’Europe ne demande jamais compte aux tyrans barbares des atrocités commises sur les adeptes de la liberté et de la justice. Ceux qui ont fait prononcer contre Tolstoï une peine purement spirituelle ont-ils craint qu’une autre n’amenât le trouble dans la léthargie de millions d’opprimés?
A la provocation du Synode, Tolstoï répondit par
1. L’excommunication porte en hébreu les noms suivants : Nesifà (censure), Niddoui et Schamla (excommunication mineure) et Cherem (anathème). Ces trois formes d’excommunication s’appliquèrent surtout à l’époque où régnait l’aphorisme du Pentateuque : Acharé vabbim lehalboth (La majorité fait loi). L’excommunication n’existe plus chez les Israélites. Pierre III en Russie (1763) et le Grand Sanliédrin en France (1807) abolirent le cherem. En Orient, l’excommunication exista jusqu’au milieu du XIXe siècle (Frenkel, fondateur d’une école moderne pour les enfants israélites à Jérusalem, fut le dernier excommunié, 1856).
La Grèce connaissait aussi trois catégories d’excommunication. (Voy. Commentaires de César, livre III).
L’anathème, fort répandu dans les premiers âges de l’Église, subsiste toujours chez les orthodoxes et les catholiques, sans aucune modification.