VIII AVANT-PROPOS
deux ans après mon ouvrage, confirme l’opinion
que j’y ai émise. Tolstoï n’est ni orthodoxe, ni
catholique, ni protestant. Ses sympathies vont
plus au parti de la Réforme qu’à celui de Loyola,
mais il est sceptique à l’égard de la vie future et
de toute foi ordonnée. La religion de Tolstoï
aboutit à la religion naturelle et universelle,
— la philosophie de la vie et de l’amour bornée
au monde actuel et ne se troublant pas pour
l’avenir d’outre-tombe. C’est parce que le mysticisme poétique traverse les œuvres de Tolstoï que
certains spiritualistes néo-chrétiens ont voulu voir
en lui un des leurs. Cet accaparement est téméraire.
La philosophie naturelle a le devoir de réclamer
Tolstoï comme l’un de ses protagonistes les plus
profonds. Dieu est, pour Tolstoï, synonyme de
l’unité universelle, du bien, de l’amour; il ramène
la religion à sa source — l’inspiration vers la perfection morale.
Tolstoï est plus moraliste que théologien¹. Il ne s’enferme pas dans des petites questions d’église, d’école ou de chapelle, il se place non pas dans les conditions éphémères d’un problème, d’une théorie, mais dans la région sereine des vérités éternelles. Avec Tolstoï, la morale cesse d’être étroite, elle n’est pas liée à un système , à un enchaînement force de propositions. Tolstoï, au contraire, a pleine
1. Voy. La Philosophie de Tolstoï, chap. La Religion et la Morale.