Page:Ostwald - L’Évolution d’une science, la chimie, 1909.djvu/136

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et les contemporains se soumettaient d’autant plus volontiers à son jugement que, pendant longtemps, il en avait fait reconnaître la sûreté et l’impartialité. Berzélius crut toujours s’en tenir au principe qu’il avait auparavant exprimé, savoir que les théories scientifiques n’ont d’autre but que d’ordonner les faits et d’en tracer le tableau synoptique, et que n’importe quelle théorie est à rejeter, dès qu’elle ne répond plus à ces conditions. Il avait reconnu les limites et les difficultés qui bornent et entravent l’application des théories, car il avait déclaré, au cours d’une polémique, qu’une théorie peut, à la longue, si bien s’enraciner dans l’esprit qu’à la fin on ne soit plus du tout capable de la séparer des faits, pour l’explication intuitive desquels on a été amené à l’édifier. Il arriva cependant que Berzélius lui-même offrit un exemple de cette vérité psychologique. Au cours de ses nombreux travaux, le dualisme électrochimique lui avait permis d’expliquer tant de choses, qu’il ne se demandait même plus s’il pouvait encore se trouver des parties de la science qu’il ne soit susceptible d’expliquer convenablement ; bien plus, confondant les limites de la théorie électrochimique avec les limites de la science, il en vint à rejeter, comme non scientifique, tout ce qui ne cadrait pas avec le dualisme.

Il en résulta une lutte prolongée et violente entre Berzélius et les savants plus jeunes, qui s’occu-