Page:Ostwald - L’Évolution d’une science, la chimie, 1909.djvu/340

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thèses sur les relations entre des quantités créées par notre esprit et qui sont, par suite, inaccessibles. Ce dernier mode de suppositions est seul à rejeter, l’autre est un auxiliaire indispensable de la recherche. Le langage actuel attribue à toutes le nom d’Hypothèse. Je propose d’abandonner ce nom aux suppositions incontrôlables, car la plupart des hypothèses scientifiques actuelles sont de cette nature. Les autres, qui servent d’échafaudage à la recherche proprement dite, peuvent, au cours du travail, être remplacées par d’autres mieux appropriées jusqu’à ce qu’on possède la relation cherchée ; j’appelle protothèses ces suppositions utiles au travail positif. Une protothèse s’élabore au début du travail et disparaît s’il réussit, c’est l’hypothèse qui apparaît quand le travail n’avance plus. C’est pour cette raison que les mémoires scientifiques ne contiennent généralement pas les protothèses qui ont servi à la recherche, car il est d’usage de ne rendre compte que des suppositions dont on a constaté l’exactitude, ou qui ont au moins donné lieu à des mesures. On passe sous silence les protothèses manquées, comme on démolit l’échafaudage quand la maison est terminée. Ce n’est que dans des cas très rares, tels que les mémoires de Kepler, où il expose ses recherches astronomiques, qu’on a des renseignements sur des protothèses malheureuses. Les hypothèses, au sens étroit du mot, occupent, au contraire, une large place dans