Page:Otlet - Monde - 1935.djvu/140

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liberté, qui favorise toutes les indépendances et facilite tous les groupements, la liberté conciliable avec l’organisation tenant compte de la liberté, de toutes les libertés, de toutes les nuances de la liberté. Rien ne s’est opposé à ce qu’un esprit soit classique en architecture, wagnérien en musique, impressionniste, pointilliste ou cubiste en peinture.

L’association est donc devenue la manifestation d’un mouvement qui s’étend dans toutes les directions et qui réagit sur la structure même de l’Etat. Elle nous conduit à une variété d’organismes aussi contraire à l’uniformité collectiviste qu’à l’émiettement individualiste. Elle réalise non l’égalité absolue, impossible, de tous dans l’Etat, mais l’égalité relative de chacun dans son groupe. L’association moderne est libre et ouverte. Elle se recrute dans toutes les classes, dans tous les partis, dans toutes les professions. Chacun peut à son gré y entrer ou en sortir ; on passe d’un groupe à un autre, on figure simultanément dans plusieurs groupes. Toute association contient un ferment d’unité, la conscience d’un intérêt collectif. Importante au point de vue social et économique, au point de vue politique, elle devient pour le mécanisme gouvernemental de la démocratie contemporaine ce que la corporation fermée était au moyen âge. Elle entreprend de plus en plus ce que faisait l’Etat ; elle rend des services publics et décharge l’autorité centrale d’une mission qui doit être remplie dans tous les cas ; c’est une forme nouvelle de l’idée d’administration. Pour remplir sa mission l’association a ses statuts organiques, ses assemblées générales, ses comités administratifs et ses agents exécutifs, un patrimoine, un budget, des finances, parfois un conseil disciplinaire. Une compagnie de transport qui fait des règlements obligatoires pour ses voyageurs dans les limites de ses attributions est-elle autre chose qu’une collaboratrice de l’Etat, un corps législatif d’un ordre subordonné ? En Angleterre depuis longtemps, en Allemagne depuis le code civil de 1900, en France depuis l’œuvre de Waldeck-Rousseau (1884), les textes législatifs reconnaissent des séries de « trustees », de corporations, d’associations, d’unions.