Page:Otlet - Monde - 1935.djvu/184

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relations quand trois échangistes sont en présence ; ce sera un polygone ensuite au nombre croissant de côtés ; polygone local, puis régional, puis national. Aujourd’hui le polygone a virtuellement deux milliards de côtés, nombre équivalent aux habitants du globe, car tous par quelques intermédiaires sont en rapport économique avec tous. Le mécanisme évolutif de la monnaie peut bien cacher ce phénomène fondamental de l’échange, il ne le supprime pas. L’or ou l’argent qui circule, sans doute est une marchandise, mais combien peu utile ! L’accepterait-on en paiement si un autre élément n’existait et n’était organisé, qui est la confiance, c’est-à-dire la certitude morale ou légale qu’un autre acceptera à son tour ce même mode de paiement ? L’or est bien plutôt le signe, le symbole d’un droit à une quantité de marchandises déterminée en valeur et non en espèce. Ceci est essentiel au fond de toute monnaie : être le titre représentatif, transmissible au porteur et divisible à volonté d’une créance à terme indéterminé sur une communauté économiquement et juridiquement organisée, et par suite, une créance sur tous les membres de cette communauté, dès qu’il consent à une commercium in concreto. Le billet de banque normal vient donner au signe monétaire un tiers de couverture métallique, deux tiers de couverture en effets de commerce. Immédiatement s’accentue ce caractère de créance. Tout un portefeuille d’effets (traites et promesse avec endos, aval, garantie de bonne fin, etc.) trouve une forme de mobilisation et après avoir été fusionné en une seule masse, devient le gage collectif de la monnaie. Plus s’étend l’aire d’action d’une banque d’émission, plus s’étend l’assiette de la solidarité économique créée entre tous les créanciers particuliers.

Une étape de plus doit être accomplie aujourd’hui et la solidarité devenir universelle par un mécanisme qui lie les uns aux autres en une seule masse, les créances du monde industriel et commercial tout entier. Ainsi serait constituée une monnaie fondée sur les richesses réelles des peuples : le travail, dans son nombre, la technicité et son esprit d’invention, les ressources du