De tous temps, l’utopie a joué un rôle, l’histoire des
utopies retient le nom de 258 à travers le cours du
temps. À en relever un si grand nombre, à les relever
en tous pays et à toute époque, il semblerait qu’on
puisse donner une définition ou tout au moins une
« caractérisation d’elles toutes ». L’utopie apparaît
comme le levain qui doit faire lever la pâte, lourde
et souvent corroyée, des sociétés enclines à la stagnation,
à l’acceptation des erreurs et des injustices. Sans
doute, il est quantité d’utopies qui relèvent de la littérature,
de la fantaisie et du rêve. L’utopie de nos jours
devient scientifique. Elle est comme une hypothèse au
sujet des rapports mutuels existant entre les choses,
une hypothèse scientifique à vérifier expérimentalement
et qui, vraie ou fausse, impose une direction et un programme
aux recherches qui resteraient autrement fragmentaires.
L’utopie est assimilable à une invention.
L’inventeur part d’un besoin et à travers les possibilités
diverses existantes dans la réalité, cherche un agencement
de celles-ci. L’invention sous nos yeux se divise
maintenant en deux grandes catégories : celles pour les
machines dites techniques ; celles pour les machines
dites sociales. Les grands utopistes sont de grands inventeurs
ou tout au moins appartiennent à leur lignée.
Quand nous aurons des laboratoires consacrés à l’invention
sociale, comme nous en avons pour l’invention
technique, nous progresserons à pas de géants. Les
tentatives de plan sont des pas dans cette voie, la
généralisation des fonctions d’information et de documentation
scientifique et sociale en sont d’autres, les
efforts pour créer des centres coordonnés d’idéation,
de sentiment et d’action collectifs en sont des troisièmes.
La nation est distincte de l’État qui lui donne forme temporaire et existence dans le droit public. La définition célèbre d’Ernest Renan est toujours à répéter.
« Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant dans le passé de souvenirs,