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peuples trop petits pour avoir une culture à eux seuls (les Suisses, les Belges, les Hollandais, les Scandinaves) et qui, tout en la marquant de leur génie national propre, tendent à vivre d’une culture internationale.

Les peuples ont besoin d’avoir des rapports spirituels d’après leurs sympathies. C’est pourquoi nous voyons se multiplier les Associations qui ont pour objet le développement des relations intellectuelles de peuple à peuple. La guerre en a créé de nouvelles entre alliés et entre nations sympathisantes. Ces alliances intellectuelles pour renforcer les civilisations communes à certaines races, paraissent aussi nécessaires aux nations que les alliances économiques et politiques.

Des peuples qui furent les maîtres par leur haute culture, mais matériellement faibles, furent écrasés par des peuples plus forts militairement. Leur culture dut succomber : la Grèce au temps de l’invasion romaine, l’empire romain au temps des Barbares, les Byzantins à l’époque des Turcs, l’Italie au temps de la Renaissance, la France en 1870. Mais un secret instinct, fait de l’expérience de tout ce que la pratique de la vie incorpore aujourd’hui de notions hautement intellectuelles, nous tranquillise sur l’avenir de l’intellectualité. La vie du monde ne peut plus être sans elle et elle est essentiellement universelle. Rien ne peut arrêter l’idée. Si le livre parfois a dû demeurer en deçà des frontières, le voyageur, lui, passa, portant dans sa tête un monde nouveau quand il s’appela Bouddha, Socrate ou Platon, Jésus ou saint Paul ; quand ce sont les Grecs chassés de Constantinople et venant en Italie ; quand ce sont des novateurs religieux comme Jean Huss, Luther, Calvin, Zwingle. Rien n’a pu arrêter la diffusion des idées au XVIIIe et au XIXe siècle. Rien ne l’arrêtera au XXe.

LE PRIMAT DE L’ESPRIT.

Deux évolutions parallèles se poursuivent, développant, perfectionnant, renouvelant d’une part les idées, d’autre part les choses. L’une domine le monde de la pensée, l’autre celui de l’action. Et ces deux mondes,