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la nature même l’idée de loi causale a fait place à une conception statistique de la loi. Preuve ontologique qui déduirait de l’idée et de la définition géométrique de Dieu la nécessité même de son existence ; mais l’intelligence humaine n’est pas liée à l’absolu.

Les philosophes de l’expérience religieuse et maintenant Bergson (les Deux Sources), quittent Platon, Aristote, les Thomistes et Descartes. Ils ne se soucient d’un Dieu purement abstrait, moteur immobile, pensée qui se pense elle-même, en soi enfermée, et n’agissant que par l’attrait de sa perfection. Le commun des hommes demeure étranger à un tel Dieu qui est un produit de l’intelligence humaine, une réfraction dans l’esprit des illusions et des erreurs logiques que produit et entretient le langage. Les hommes qui souffrent et prient veulent un Dieu vivant. Or, la biologie permet de conclure à la conception d’un élan vital et d’une évolution créatrice. D’autre part, l’expérience du mystique, irréfragable, n’est autre que la participation même de l’âme à cet élan, principe de toute créature et de toute chose. Et l’élan vital, c’est Dieu même.

Un saint Paul, une sainte Thérèse, une sainte Catherine de Sienne, un saint François, une Jeanne d’Arc et tant d’autres ont été des mystiques moins engagés dans l’action : discernement prophétique du possible et de l’impossible, esprit de simplicité qui triomphe des complications, bon sens supérieur. Il y a chez le mystique un bouleversement qui remue l’âme jusqu’au fond, en vue de lui procurer le bienfait d’un nouvel équilibre, fait à l’image de l’harmonie divine.

L’homme a dit : « Je voudrais ceci, j’aspire après cela. Je figure combien serait beau et bien que… ». L’homme a ainsi créé son Dieu. Mais c’est illusoire, ont commencé à dire certains. Il a répondu : « Que j’aie ce désir et cette aspiration, cette possibilité de figuration, est la preuve que son objet, Dieu et ses corollaires, existent ; que cet objet n’existe pas encore et il est dans ma nature de ne pouvoir vivre, supporter la vie, qui est couronnée, auréolée par l’idéal. » Et l’homme croyant, incroyant ou hési-