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Le monde A est celui qui stationne, s’il ne rétrograde pas, est désireux de vivre en détruisant, tout en risquant d’être détruit lui-même, monde qui demeure enfermé dans les formes passées, dirigé par les conceptions d’hier. Le monde B est celui qui va de l’avant, raisonne, construit, marche vers une mutation de formes anciennes, vers des formes nouvelles.

Le monde A est puissant de toutes les forces d’inertie et parce qu’il est résigné ou brutal, laissant au hasard le soin de décider le plus souvent, de toute manière ne tirant pas les conclusions ultimes des prémices auxquelles il serait lui-même arrivé. Le monde B a pour lui la logique et l’intuition. Il dispose des forces d’une humanité qui se refuse à l’inactivité ou à la répétition et qui est pleine d’enthousiasme épique, lyrique et non seulement héroïque et tragique. Ce monde estime qu’il ne faut redouter ni changement, ni évolution, ni transformation, ni révolution. Il professe que l’idée est la puissance ultime de la société totale aussi bien que de l’homme isolé et, à des degrés dégradés, de tout être voire même de la nature entière. Par conséquent, le monde B propose une corrélation plus étroite des organismes agissants, une convergence vers un point central, l’élaboration et l’exécution d’un Plan Mondial.

L’unité. — Non pas à la manière mécanique qui broie la pierre et en fait du sable, à la manière chimique qui décompose chacun des corps et tend à les réduire à un même élément ; mais l’unité à la manière de la musique. Dans les masses vocales et instrumentales, chaque voix, chaque instrument demeure soi, s’associe en famille de voix et d’instruments et se produit tour à tour en soli ou en tutti, affirme et développe les « soi », les familles, l’unité, les associations, les nations, mais les rassemble aussi en humanité, et par delà, en univers.

Mystère. — Du Monde, de Dieu, donner la définition compréhensive qui en fasse l’objet d’aspiration inconditionnel, par qui le moi et le non moi, demeurés distincts, puissent s’abîmer en une même grandeur, en un même infini : « In illo vivimus, movemur et e sumus ».