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mènes qui nous sont apparents, qu’ils soient ondulatoires ou corpusculaires.

« L’explication paraît celle-ci. Notre langage et notre faculté de représentation subjective de phénomènes sont adaptés aux objets du même ordre de grandeur que nous. Ils sont le résultat de la longue suite de transformations dont nous sommes les derniers chaînons. Ces transformations ont été conditionnées par nos besoins animaux qui sont bien antérieurs à nos préoccupations intellectuelles. C’est pourquoi nous sommes outillés pour observer et comprendre les phénomènes en macrophysique. Nos sens les transforment, à l’usage de notre entendement en perceptions cohérentes. Mais la science s’est aventurée dans un domaine autre que celui auquel nous étions adaptés : elle pousse ses investigations dans le domaine microphysique ; elle ne se contente plus de raisonner sur des agglomérations d’un grand nombre d’atomes, elle veut raisonner également sur des atomes isolés. Dans ce domaine, l’expérience directe n’est plus possible et la représentation subjective ne l’est pas non plus. Notre machine à transformer les réalités en perceptions se refuse à tout fonctionnement régulier lorsque nous nous éloignons trop de notre ordre de grandeur ; elle cesse de fournir des images cohérentes. La mathématique seule peut venir à notre secours et nous fournir le langage nécessaire à nos déductions. »[1]

Ainsi donc, selon notre entendement même, les lois applicables aux objets macro-physiques ne le sont pas aux objets micro-physiques. L’apport subjectif contenu dans nos perceptions non seulement déforme la réalité, mais est impuissante à la comprendre. Il n’y a cependant pas arrêt dans le progrès, la progression. Voici que surgit un nouvel instrument, la mathématique. Elle est créée par l’homme comme une véritable machine intellectuelle amplifiant l’effort de la pensée et capable de faire pour elle ce qu’elle même ne saurait accomplir.

  1. Yoland Mayor. Les constituantes ultimes de la matière et de l’énergie. Revue Scientifique, 10 juin 1933.