Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pées d’une certaine façon, remplissant des fonctions déterminées mais travaillant toutes au profit du corps social tout en recherchant leurs propres avantages[1]. Toute individualité vivante résulte d’un complexe inouï d’éléments chimiques, physiques et psychiques[2]. De même les sociétés réalisent une complexité infinie d’éléments de toute nature. Comme les formes les plus hautes de la vie organique individuelle, la vie sociale a deux caractères essentiels : elle est une somme de vies partielles, une combinaison d’organismes. Elle reflète une idée directrice, une tendance à l’exécution d’un plan où tout converge vers l’équilibre.

B. En un certain sens les sociétés sont des machines. Leurs institutions sont comme ces dernières formées d’organes, qui, agencés d’une certaine manière, plutôt que d’une autre, obtiennent un rendement différent. Mais les organisations sociales ne sont pas que des machines. On ne peut arbitrairement les construire d’une pièce. C’est du développement des formes antérieures qu’elles doivent naître. Toute société nouvelle est en germe dans la société antérieure. La méthode de construction sociale peut donc s’inspirer des méthodes de construction technique mais elle en diffère profondément et par cela reste une méthode propre. D’après l’âge des sociétés les réformes peuvent être plus ou moins profondes. Un homme par un acte volontaire peut donner à sa vie une autre organisation. Ainsi les révolutions qui aboutissent donnent aux sociétés une autre structure.

C. Les sociétés sont aussi des unions d’intelligence. L’intelligence consciente est la caractéristique de l’homme. Tout ce qu’il éprouve, tout ce qu’il pense, tout ce qu’il veut tend à se traduire en idées de plus en plus claires, exprimées en un langage de plus en plus adéquat et partant de plus en plus aisément communicable. À mesure que progressent les sociétés il est davantage possible de faire des idées le fondement du lien social, de les asseoir par conséquence sur le libre contrat, sur la coopération volontaire des fins élevées.


232.4. PERSONNALITÉ MORALE DES ASSOCIATIONS.. — Les sociétés générales et les sociétés particulières sont des personnes morales. Les moralistes, les politiques, les juristes ont créé la conception de la personne morale. Dans l’association, voire même dans la simple volonté douée d’une manière permanente des moyens de se réaliser (fondation ou but doté d’un patrimoine) ils ont vu une

  1. On objecte qu’un organisme vivant est un continu tandis que la société ne l’est pas ; mais qui peut dire en ce moment si nous ne faisons pas partie d’un vaste organisme qui occuperait toute la terre ou presque toute. Entre les cellules de la colonie qui forme notre corps il y a, à l’échelle de grandeurs des cellules, des espaces qui sont au moins aussi grands que ceux qui séparent naturellement un homme d’un autre homme. Et pourtant il ne vient pas à l’idée de personne de nier que notre corps soit un continu. La masse humaine au même sens serait un continu et dire d’elle quelle est un organisme aurait alors un sens précis.
  2. Le Dantec, L’unité de l’être vivant (1902).