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grecs jugeaient l’artisan indigne d’être citoyen. Malgré les préjugés persistants (supériorité des carrières libérales, infériorité du travail manuel), le travail tend, à être de plus en plus honoré. Au XIXme siècle, le capitalisme naissant a connu et toléré d’effroyables souffrances. Mais au début du XXme siècle, alors que le capital est accumulé à l’extrême, nous voyons la misère s’atténuer, nous assistons au relèvement du « standard of life » des prolétaires et à une incontestable amélioration dans la condition des classes laborieuses[1].

La vieille conception du « fonds des salaire », d’après laquelle on ne pouvait réduire la journée de travail ou augmenter le taux des salaires sans atteindre le profit du capital, est démentie par les faits. Depuis 1848 la journée de travail subit des réductions successives ; les salaires suivent une marche ascendante en même temps que le capital augmente et que la richesse grandit. Courte journée de travail, haut salaire, intensité de la production sont, désormais des termes qui s’enchaînent. Dans les pays où, comme en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, les profits du capital et la puissance du machinisme sont énormes, on arrive à une moyenne journalière de huit heures de travail et de 8 shillings de salaire.

Nous assistons à une profonde transformation du travail. Il est devenu plus productif qu’autrefois. Il est devenu aussi plus cérébral que musculaire, et par là-même la production mécanique, chimique, scientifique, comme on voudra l’appeler, nous apparaît comme une future émancipation de L’humanité[2]. Que de gaspillage de forces encore ! Un bon ouvrier fournit dans la journée de huit a dix heures, de 250,000 à 270,000 kilogrammètres, sur lesquels 25 à 65 % seulement sont utilisables suivant la nature de l’ouvrage fait et la machine mise en œuvre. On a démontré la possibilité d’accroître la production humaine par des méthodes perfectionnées : la sélection des aptitudes des individus, leur choix d’après ce pourquoi ils sont le plus aptes, l’emploi des meilleurs outils et procédés, le temps de travail, d’exercice et de repos bien partagé. C’est toute une révolution dans l’industrie, au même titre que l’introduction des machines. Ainsi un homme est parvenu à placer par jour 2700 briques au lieu de 1000, à charger 47 ½ tonnes de fonte au lieu de 12 ½, etc. Sans doute des abus sont nés, mais l’association ouvrière et l’État veillent. L’État, en effet, dans l’intérêt de la communauté, doit maximaliser la productivité du système industriel, quitte à veiller à ce qu’il y ait distribution équitable de résultats[3].

  1. Prins, Esprit du gouvernement représentatif, p. 60. — H. Hanotaux, La démocratie et le travail. — Van Bruyssel, La vie sociale. — D’Avenel, Le nivellement des jouissances.
  2. — G. Renard, L’évolution industrielle. — Voir aussi n° 612.1.
  3. F.-W. Taylor Scientific management. — Arthur Grenwood, Next in factory and Workshtop Reform, Political quaterly, September 1914. — On a désigné