Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/226

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Trois pays, en particulier, ont instauré le protectionnisme : la France, l’Allemagne, les États-Unis. Loin d’être un argument, on a fait observer que la France, malgré sa richesse, est pauvre en industrie capable de la faire valoir ; l’Allemagne a développé sa richesse grâce à un Zollverein de 29 États jadis séparés par des barrières douanières et comptant 70 millions de grands producteurs et consommateurs libres-échangistes ; les États-Unis forment aussi un vaste système économique d’une centaine de millions d’habitants, dont les richesses naturelles sont immenses, les climats variés, et qui constituent un véritable libre-échange entre tous les États de l’Union.

Les droits de douane totalisés de l’Europe étaient d’une moyenne annuelle de trois milliards et demi pour les années 1901-1905. Ce chiffre représentait 7,6 % de la valeur des importations totales soit 8 fr. 63 par habitant. La proportion varie depuis 0,4 % pour la Hollande et 2,1 % pour la Belgique, jusqu’à 8,9 et 30 % pour la France, l’Allemagne et l’Angleterre. Les droits de douane ne représentent que le dixième des recettes des États européens.

Déjà le régime de la liberté commerciale a été appliqué à maints pays, au Congo, à la Chine, au Maroc. La Grande-Bretagne applique à ses colonies le système de la porte ouverte ou de l’autonomie (open door). Les dernières élections anglaises ont écarté l’avènement du protectionnisme en Angleterre. Les États-Unis viennent de réaliser une réforme douanière qu’ils ont annoncé être une étape dans la voie de la liberté. En France, un président du Conseil a pu affirmer, sans soulever de protestations ni même de contradictions, que le règne de la porte ouverte devrait être appliqué à toutes les colonies françaises parce qu’il est vraisemblablement la condition même de leur prospérité. Telle était la situation avant la guerre.

2. Unions douanières. — L’Union économique allemande (Zollverein) est un antécédent plein d’enseignements au sujet des avantages de la liberté économique. Il existait en Allemagne quarante États souverains (il en avait existé jusqu’à trois cents avant la Révolution française). Encore ces États n’étaient pas régulièrement découpés dans le territoire de manière à former autant d’unités arrondies et distinctes. Mais ils avaient été, comme par un caprice bizarre, construits par des morceaux de territoires enclavés, enchevêtrés les uns dans les autres. Ainsi le duché de Saxe-Cobourg-Gotha comptait dix portions de territoire, la Prusse orientale vingt-sept fragmenta de principauté. Or, chacun de ces territoires autonomes était entouré à sa frontière d’un réseau douanier et tels d’entre eux combinaient même des douanes provinciales, communales et de particuliers avec les douanes extérieures et du gouvernement. Le Zollverein, ou Union économique, est venu apporter de l’unité et de l’ordre dans ce chaos. Il a son point de départ dans une loi de la Prusse du 26 mai 1818 qui