Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/231

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naux. La thèse a été soutenue par Drago, ministre de l’Argentine dans les congrès internationaux, notamment à La Haye, qu’il doit être défendu d’envoyer des cuirassés pour recouvrer les créances. Les États-Unis ne tolèrent plus guère ces contraintes contre les autres États de l’Amérique. Il s’est constitué en France, en Angleterre, en Belgique, en Allemagne et ailleurs des associations de détenteurs de fonds étrangers poursuivant collectivement la défense de leurs droits. Ces associations souvent agissent de concert.

Tous ces faits font entrevoir le moment où une législation financière internationale, avec un organe de contrôle adéquat, sera rendue nécessaire pour déterminer d’une manière générale et organique le régime des prêts à l’extérieur et des impôts à l’étranger (Conférence financière panaméricaine à Washington en 1915).

D’autre part on constate (en Amérique du Sud par exemple) qu’il n’y a pas d’économie vraiment nationale sans la formation d’un capital national, et sans la protection de celui-ci, quand il est une fois constitué.

3. La lutte contre l’internationalisation des capitaux. — Avant la guerre déjà, la tendance s’est accentuée dans certains pays à ne pas faciliter les opérations de prêts et de placements à l’étranger, ou tout au moins à en faire l’objet de certaines compensations économiques générales et même politiques. Ainsi la France a écarté en 1909 la demande d’emprunt de l’Argentine, en 1910 celles de la Hongrie et de la Turquie. Elle a refusé d’admettre à la Bourse de Paris les actions du chemin de fer allemand de Bagdad. En 1913 le Ministre des Finances en France a publié une circulaire rappelant aux établissements de crédit français qu’ils devaient demander l’assentiment préalable du gouvernement avant de conclure des emprunts et, d’une façon générale, toutes opérations trésorières dont le résultat serait de procurer des ressources à un État étranger, en faisant appel à l’épargne française. Ainsi a été posée et traitée de la façon la plus absolue la question de l’intervention de l’État dans les emprunts étrangers. À Berlin le gouvernement allemand adoptait contemporainement la même politique. Il faisait savoir aux maisons d’émission qu’elles avaient à observer la plus extrême réserve en ce qui concerne les emprunts étrangers, dont la conclusion ne présente, au point de vue allemand, aucun intérêt d’ordre politique ou général.

De telles mesures sont inspirées de deux ordres de mobiles : a) l’intérêt national de voir les capitaux demeurer dans le pays et s’y employer au lieu d’aider à enrichir les voisins, causant par leur absence tous les effets de l’« absentéisme » ; b) l’intérêt budgétaire d’empêcher une invasion fiscale des fortunes qui tarirait les ressources de l’impôt sur le revenu.