Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/249

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nationale et interviennent dans les calculs politiques comme moyens de haute stratégie, à un degré plus éminent encore que les forteresses et les frontières naturelles. Des prohibitions sont même intervenues à ce sujet ; ainsi l’article 7 du traité russo-japonais de 1905 a stipulé : « que le Japon et la Russie s’engagent à exploiter leurs voies ferrées respectives en Mandchourie, exclusivement dans un but commercial et industriel, et en aucune façon dans un but stratégique ». — Au cours de la guerre actuelle, le chemin de fer de Bagdad a retenu toute l’attention par son importance internationale et stratégique, par sa conception et son histoire pleine d’enseignements. La ligne a été concédée le 5 mars 1903 a la Deutsche Bank et à la Compagnie allemande des chemins de fer d’Anatolie, avec une garantie actuelle d’intérêts de 175,000 francs. L’Allemagne proposa un syndicat à la France et a l’Angleterre. La France allait y consentir quand l’opposition de l’Angleterre et de la Russie fit échouer les tractations. La compagnie allemande fut d’abord hors d’état de pousser les travaux. En même temps, l’Angleterre s’établit fortement dans le Golfe Persique, au point terminus de la ligne projetée. En 1907, l’Angleterre et la Russie firent entre elles un partage de zones d’influence en Perse et entreprirent d’établir un chemin de fer transpersan relié à l’Europe centrale par Batoum et aux Indes par Charbar, ligne parallèle au Bagdad-Bassorah. Dans la dernière phase, des négociations anglo-allemandes ont tenté d’établir une cote mal taillée. L’Allemagne renonçait à déboucher sur le golfe Persique. Mais rien n’a été conclu définitivement. Au cours de la guerre on a continué certains travaux au Bagdad. Une certaine ligne de 80 kilomètres à voie étroite a, en outre, été construite dans le désert pour les transports de troupes turques contre le canal de Suez. Dans les plans stratégiques des Allemands pour venir en aide aux Turcs et « prendre les Anglais à la gorge au canal de Suez », on a indiqué qu’une ligne de Damas au Caire, une autre d’Angora à Erzeroum et Tiflis « forceraient l’Angleterre et la Russie d’avoir de la considération pour l’Allemagne »[1].
xxxxg) Les chemins de fer sont aussi des armes formidables dans la lutte économique des nations et celle-ci a pris, va prendre surtout l’ampleur de vastes coalitions, d’alliances commerciales doublant les alliances politiques et militaires (internationalisation partielle). Le trafic international est un vaste fleuve, un Nil fécondant. C’est une réalité dont les pays se préoccupent d’attirer sur eux les bienfaits. Dans une récente réunion franco-italienne (Cernobio, septembre 1915) il a été question d’organiser le transit entre l’Angleterre, la France

  1. Paul Rohrbach cité dans le « Times », 25 août 1915, p. 6. — Voir pour le chemin de Bagdad : Sarolea, The Baghdad Railway and german expansion in the Near-East, sumarised in the « Times history ». — Sydney Low, The middle East. Edinburgh Review, April 1915, p. 328.