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tieuses croyances, que pour connaître si exactement les intentions de Dieu il faudrait avoir reçu ses confidences, alors que les desseins de la Providence sont impénétrables.

4. La souffrance et la résignation ont été prêchées par la religion catholique. « Dieu n’est pas l’auteur responsable du mal et de la souffrance, mais l’homme qui a transgressé la promesse d’Adam, les ordres de son Créateur. La souffrance répare, perfectionne et crée le mérite ; rien ne nous fait si grand qu’une grande douleur[1]. »

Dans vos cieux ? au delà de la sphère des nues,
Peut-être faites-vous des choses inconnues
Où la douleur de l’homme entre comme élément.

5. Au cours de la guerre le culte de Dieu lui-même s’est nationalisé, notamment en Allemagne. Les soldats protestants chantaient « Eine feste Burg ist unser Gott. — Notre Dieu est une solide forteresse ». Leurs frères d’armes catholiques s’accordaient avec eux. Le professeur K. Lamprecht écrivait. : « Qui donc oserait nier maintenant encore qu’il existe un Dieu chrétien germanique et qu’il lui arrive de se manifester à l’étranger comme un Dieu fort et jaloux[2] !

Des théologiens allemands ne se contentent pas de justifier la guerre ; ils vont presque jusqu’à saluer en elle l’état le plus agréable à Dieu. « La religion, dit Deismann, a mobilisé. Comment s’est traduite cette mobilisation ? Par l’adjonction au christianisme d’éléments empruntés à l’antiquité romaine ou à l’antiquité juive. L’Allemagne en guerre ne pouvait employer le christianisme qu’avec cet alliage. » « Tout va bien pour nous, dit le cardinal Hartmann, puisque Dieu tout-puissant a été avec nous jusqu’à présent. Pourquoi ? Parce qu’il est inimaginable que Dieu magnanime permette à la France franc-maçonne et athée et à l’Église orthodoxe russe de fouler aux pieds la fraîche et joyeuse vie religieuse de l’Allemagne[3]. »

5. Dans leur propagande extérieure, les belligérants se sont adressés avec insistance au clergé des divers pays.

Les catholiques neutres, et particulièrement le clergé, au début de la guerre, se montraient favorables aux empires du centre. Dieu récompenserait la religion du kaiser, la probité de ses sujets, les œuvres des catholiques allemands, l’orthodoxie et la fidélité de l’Autriche. Si

    siècle, nouvel oubli des droits de Dieu, par suite de l’empiétement du pouvoir civil sur le pouvoir spirituel de l’Église ; nouvelle sanction. Au XVIIme siècle, la science déifie l’impiété ; nouvelle sanction. Au XXme siècle, continue l’expiation par l’horrible guerre actuelle » (Bulletin de St-Michel. 1915).

  1. Lettres pastorales de Mgr Mercier et de Mgr Amette. Voir aussi « Cahiers documentaires belges », n° 53.
  2. Voir le cantique de la guerre de Lamprecht dans sa harangue prononcée le 23 août à Leipzig, Zur Neuen Lage. Leipzig, Hirzel
  3. Cardinal Hartmann, archevêque de Cologne, reproduit dans « Indépendance belge », 10 février 1915.