Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/325

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pas qu’on imprima dans mon journal la moindre chose qui put blesser la France, mais je ne voudrais pas qu’on y insérât quoi que ce fût qui pût être agréable à l’Allemagne. » Pour apprécier le rôle de la presse dans les événements de la guerre, il faut se rappeler ce qu’étaient les journaux de l’Europe en 1913 et 1914, notamment les attaques des feuilles austro-hongroises contre la Serbie ; le langage insolent de la presse pangermanique, les ripostes de la presse de la Triple Entente.

Quant au rôle que l’argent aura joué dans la presse pendant la guerre, il ne sera connu que plus tard. On peut le deviner. Au temps de la formation de l’unité italienne, Cavour laissa entendre eu plein parlement italien qu’il avait employé 80 millions des fonds secrets à échauffer l’opinion de la presse française en faveur de la guerre d’Italie. En 1914-1915, les prix de toutes choses ont haussé !

Des mesures contre la presse sensationnelle sont donc nécessaires[1]. Mais les meilleures de toutes doivent être cherchées dans un contrepoids, une presse complémentaire : presse officielle et presse libre. La littérature officielle (Documents parlementaires, rapports des gouvernements, publications faites à leur initiative ou sous leur patronage) acquiert une importance de plus en plus grande pour la mise en circulation de données exactes et complètes. Elle témoigne du degré de publicité dans les affaires publiques. Les gouvernements doivent la lumière et la vérité à leurs nationaux, et ceux-ci doivent devenir des citoyens utiles à la chose publique grâce à une information opportune. Le principe que l’État doit être publicateur est donc acquis depuis longtemps. Reste la question du degré, des domaines que doit couvrir la publication, des modalités selon lesquelles elle doit s’opérer. En réalité les publications officielles constituent presque partout une littérature lourde, indigeste, manquant de l’actualité désirable, mal distribuée. C’est le Journal officiel qui, en tous pays, ne répond plus aujourd’hui à toutes les nécessités du temps. Transformé, développé, il pourrait être un utile « antidote », à la condition toutefois d’être sous le contrôle parlementaire et public.

Quant à l’utilisation de la presse libre pour des buts sociaux et humanitaires, il reste fort à faire. La presse s’est ramifiée. Il y a le grand journal national quotidien et le journal régional quotidien, les hebdomadaires locaux, les suppléments du dimanche, les publications illustrées, les périodiques, la grande revue générale, les revues spéciales, les innombrables bulletins, organes des associations. Et nous ne citons pas le livre, depuis la simple feuille et la brochure, jusqu’aux grands ouvrages, en passant par tous les intermédiaires des publica-

  1. Il existe un arrangement international du 4 mai 1910 relatif à la répression de la circulation des publications obscènes. Le Carnegie-Endowment en 1914 a examiné des plans pour un bureau de presse mondial dans l’intérêt de l’entente internationale (Yearbook for 1915, p. 60).