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entier des actions humaines. Elle s’impose aux actes de l’homme considéré comme individu et aux actes des hommes réunis en société : associations privées et associations publiques. Elle vise donc tous les ordres de relations de l’homme : avec lui-même, avec sa famille, avec la cité et l’État. Le point de vue moral s’apparente aux autres points de vue. Un acte tel que faire du pain pour le revendre poursuit une fin économique et comme tel est conditionné aux principes de l’économie : le pain ne se vendra que s’il est demandé sur le marché, ce qui dépendra de son prix. Il doit être conforme à la technique de la boulangerie. Il ne doit pas enfreindre les lois sur le pain, au point de vue juridique. Une pensée morale aussi doit y présider : travailler pour gagner sa vie et subvenir aux charges de sa famille ; ne pas falsifier le pain ni le pétrir avec une négligence coupable. Enfin, pour beaucoup, s’impose la règle religieuse qu’il ne peut être cuit du pain le dimanche. Tous ces ordres de prescriptions s’imposent à la conduite humaine et tendent à faire régner la paix et l’harmonie entre les hommes. Mais ils sont distincts, ayant chacun leurs sanctions propres, c’est-à-dire des conséquences différentes attachées à leurs injonctions et défenses. La sanction de la morale se trouve dans la conscience humaine et dans l’opinion publique ; celle de la religion est supra-terrestre ; le droit, lui, tel qu’il est formulé par la législation des États, a en général sa sanction particulière dans la contrainte. Mais aussi bien ces ordres de prescriptions se superposent.

De là une conséquence : puisque le droit se superpose à la morale, il faut au droit international une morale universellement valable et pouvant agir sur toutes les parties de la Société des nations. Impossible donc d’ériger un droit dont les fondements mêmes seraient d’avance sapés dans les esprits.

272. Fondements de la morale.

1. Les actions humaines peuvent avoir plusieurs sources : l’égoïsme, la méchanceté, la pitié. La pitié seule est le principe des actes moraux. Elle est la compassion, le sentiment pénible qu’on éprouve à l’occasion des souffrances, des épreuves d’autrui, c’est le plus noble des sentiments qui honorent l’homme. D’autre part, ce qui est faible a intérêt à une règle venant d’ailleurs et qui le protège. Cette faiblesse est relative, elle peut être une force dans un autre ordre. Ainsi l’intelligence, la beauté, la bonté, la force ont chacune un ordre de valeur et de degré différents.

2. Quel est le fondement de la morale ? L’histoire des doctrines morales montre la diversité d’opinion sur ce sujet : morale religieuse, morale métaphysique, morale scientifique (qui assigne comme fin à l’individu l’utilité générale, le bien général, l’expansion de la vie). S’il est excessif de dire que toutes les morales ont montré l’inanité de leur