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chez les avocats, les médecins, etc.) Elles permettent d’apprécier des degrés dans la manière d’effectuer les actes, de distinguer entre la conduite « canaille », habile, correcte ou généreuse. Comme les relations internationales des professions tendent à unifier ces règles, elles constituent des bases positives, très solides, à la morale universelle, et le Code à établir trouverait en elles des matériaux sûrs. Il servirait d’autre part d’entrée en matière à toutes les déontologies particulières de portée générale.

En tête d’un tel code, et dominant toutes ses prescriptions spéciales, devrait figurer une règle universelle et internationale de conduite, une règle qui puisse être pratiquement acceptée par tous les peuples, par tous les âges, par toutes les classes sociales, par toutes les confessions et opinions philosophiques (catholique, protestant, juif, ethicistes et libre penseur). Semblable règle devrait être assez générale pour embrasser tous les cas, assez précise cependant pour être d’une véritable utilité. Elle devrait être induite des meilleures pratiques de l’heure actuelle et basée sur la science psychologique la plus sûre[1].

276. La morale dans les rapports internationaux.

1. Les politiques de tous les temps offrent le spectacle de dirigeants et de grands chefs éloignés de toute préoccupation morale. Alexandre se faisait passer pour Dieu ; Romulus tuait son frère ; César passait le Rubicon ; Auguste feignait d’abdiquer l’empire pour le posséder plus sûrement ; et, chez les modernes, Philippe le Bel, Ferdinand le catholique, Louis XI, les Borgia, les Médicis et jusqu’au généreux Henri IV qui acheta Paris pour une messe : ils ont tous employé les moyens pour réussir, tantôt l’astuce, tantôt le crime. Quant aux républiques, aux nations, elles aussi ont agi de même : la mauvaise foi des Romains ; la tyrannie soupçonneuse, cruelle, terrible de Venise ; les procédés de conquête mis en œuvre autrefois par l’Angleterre, le spectacle actuel de l’élite de l’Allemagne. À la vérité ce n’est là qu’un des volets du dyptique de l’histoire. Il en est aussi un autre, bien plus long, où sont inscrits les actes qui émanent d’une moralité réelle. C’est que toute coexistence durable entre les groupes comme entre les individus exige une morale commune qui fournisse des règles respectées de tous, des sanctions efficaces pour tous.

2. Trois doctrines sont en présence au sujet de la morale et de la

  1. La formule suivante a été proposée au Congrès mondial des associations internationales par le délégué de l’International Union of Ethical societies : Required to utilise all the faculties of the mind i. e. to carry out promptly and intelligently, in a sympathetic, genial and tacful manner, what an enlightened conscience demands ». « Faire ce que demande une conscience éclairée, le faire avec promptitude, intelligence, sympathie, bonne humeur et tact ; utiliser ainsi toutes les facultés de l’esprit.-G. SPILLER, An international conduct Rule, Actes du Congrès mondial, 1910, p. 119.