Aller au contenu

Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/401

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tut réel (loi du lieu où elle se trouve). Des autorités purement spirituelles enjoignent leurs ordres aux fidèles ; mais elles ne commandent aux esprits que dans le seul domaine du dogme et de la morale et se disent des souverainetés ayant droit de parler et d’agir au delà des frontières dans la sphère de leurs attributions.

D’autre part, bien des cas de division de souveraineté ont été réalisés. L’administration du territoire d’un État par un autre État est un exemple (administration de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie). La souveraineté de l’empire ottoman ne se trouvait pas seulement atteinte par le régime des capitulations, par l’organisation d’un contrôle financier international, etc. ; elle était encore diminuée dans les parties de son territoire où les puissances s’étaient réservé certains droits comme le contrôle administratif, la protection des chrétiens, le droit de choisir le gouverneur et d’en approuver le choix. C’est le cas des deux îles de Samos et de la Crète ainsi que du Liban (firman de 1832, traité de Constantinople). Autre exemple : cessions à bail consenties après 1888 par la Chine : c’est la faculté d’exercer certains droits de souveraineté sans qu’en théorie la souveraineté de l’État concédant doive en être amoindrie : Russie, Port-Arthur (1898) ; France, Kouang-Tchéou-Ouan ; Grande-Bretagne, Wei Haï Wei ; Allemagne, Kiao-Tchéou. La société du Chemin de fer de l’Est chinois, à laquelle la Russie a forcé la Chine à accorder la concession d’un chemin de fer reliant la frontière sibérienne à la mer, possède des droits d’administration sur certaines parties du territoire chinois. En vertu de la convention de Berlin, de 1896 la Russie a installé en plein territoire chinois de véritables organisations municipales russes, dont l’exemple le plus caractéristique est celui de Kharbine, où les fonctionnaires russes perçoivent les impôts, assurent la police, même sur les échanges, tandis que les autorités chinoises parallèlement continuent à exercer leurs pouvoirs sur les indigènes.

Ces divisions, dissociations, limitations de la souveraineté (définie le droit de commander aux hommes et par leur intermédiaire aux choses), conduisent à cette conception que la souveraineté n’implique pas union nécessaire avec un territoire. On peut envisager des souverainetés dont les compétences, limitées à certains ordres de relation, pourraient s’exercer sans égards aux frontières, elles auraient à respecter les lois de simple police édictées en vue d’aplanir les conflits qui pourraient naître de l’exercice de ces « souverainetés fonctionnelles » avec celui des « souverainetés territoriales ».

Une telle conclusion est fort importante. L’État moderne, en effet, a voulu absorber en lui toutes les forces, être la plus haute représentation de tous les intérêts du territoire sur lequel il exerce sa juridiction souveraine et des intérêts de tous ses habitants. Sans doute le morcellement du globe en 52 États est le résultat souvent irrationnel