Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/440

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doit être envisagé dans sa double existence : à l’intérieur, à l’égard de ses nationaux ; à l’extérieur, à l’égard des autres États.

3. L’évolution de l’État moderne a son point de départ dans l’absolutisme. a) L’absolutisme à l’intérieur est parti de la formule du roi : « L’État c’est moi » ; il en est arrivé, de concessions démocratiques en concessions, au régime constitutionnel, parlementaire, même fédératif et républicain. b) L’Absolutisme à l’extérieur domine au contraire encore tout le système des relations internationales. Ce système repose sur le dogme de la souveraineté absolue des États à l’égard les uns des autres, avec ce corollaire, destructif de tout droit et de toute morale internationale quelconque, que la puissance seule est le fondement, le but et la limitation de l’activité nationale. Mais pareil absolutisme lui-même est battu en brèche et cette guerre, en mettant aux prises l’Europe et le monde, sans autre cause au fond qu’une lutte pour la plus grande puissance, a révélé la folie et le danger du système. La paix n’est plus concevable désormais que sur la base d’un système répudiant le dogme faux et lui substituant celui de l’interdépendance des nations et de la limitation de son absolutisme.

4. Nous assistons à deux tendances opposées. L’une consiste à concentrer dans l’État toutes les forces politiques des peuples, tous les pouvoirs, dont l’expression est la loi, la justice rendue et l’administration. L’autre tendance aboutit à l’attribution de pouvoirs à d’autres organismes que lui-même. Ce partage de la souveraineté prend plusieurs formes. a) Au-dessous de l’État, et subordonné à lui, c’est l’importance croissante des grandes villes, de l’autonomie locale et régionale mouvement qui trouve son achèvement dans l’application à tous les degrés du principe fédératif. b) À côté de l’État, et sur le même plan que lui, c’est le développement et l’incorporation dans des organisations indépendantes de grandes forces sociales se détachant du faisceau de celles de l’État, forces ethniques, économiques, intellectuelles. Le terme ultime de cette évolution apparaît la constitution de vastes entités fédératives érigées en personnes de droit international et douées même de certains droits politiques. c) Enfin au-dessus de l’État et sur un plan supérieur, se multipliant et s’élargissant, les associations entre États, les coalitions et les alliances. Au bout de son développement est la Société des nations, avec la formation d’une autorité supernationale.

5. La Société des nations est la limitation organisée de la souveraineté absolue. À l’avènement de celle-ci concourt un ensemble de causes politiques particulières que nous avons examinées en détail et qui sont : a) l’effort des petits États pour maintenir leur existence à côté des grands. b) La notion de la neutralité en vertu de laquelle sont placés, au milieu des territoires de grandes puissances, les territoires théoriquement intangibles des États neutres. c) La nécessité