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BIBLIOLOGIE

de la pensée scientifique ou pratique, depuis le simple document jusqu’aux complexes des grandes collections et aux formes élevées que constituent le Traité et l’Encyclopédie.

3. Faire progresser ainsi tout ce qui peut tendre à l’Exposé plus méthodique et plus rationnel des données de nos connaissances et des informations pratiques.

4. Provoquer certaines inventions qui sans doute pourront rester longtemps isolées et sans application, mais qui un jour seront peut-être le point de départ de transformations si profondes qu’elles équivaudront en cette matière à de véritables révolutions.

5. La Bibliologie élabore les données scientifiques et techniques relatives à ce quadruple objet : 1o l’enregistrement de la pensée humaine et de la réalité extérieure en des éléments de nature matérielle dite documents ; 2o la conservation, la circulation, l’utilisation, la catalographie, la description et l’analyse de ces documents ; 3o l’établissement à l’aide de documents simples, de documents plus complexes, et à l’aide de documents particuliers, d’ensemble de documents ; 4o au degré ultime, l’enregistrement des données de plus en plus complet, exact, précis, simple, direct, rapide, synoptique, de mode à la fois analytique et synthétique ; suivant un plan de plus en plus intégral, encyclopédique, universel et mondial.

6. Au point de vue scientifique, le principe bibliologique fondamental, principe-tendance de la publication optimum s’exprime en ces quatre désiderata : 1o Dire le tout d’une chose. 2o Dire une fois tout. 3o La vérité sur le tout. 4o Sous la forme la plus apte à être comprise. Ce principe est tempéré de quatre manières : 1o Ce qui est encore ignoré. 2o La thèse de la vérité, le doute, la discussion, les thèses diverses. 3o La variété des intelligences : langue, degré, âge, préparations antérieures. 4o La pluralité des formes possibles, d’exposé à raison du goût de chacun, et du progrès possible dans la présentation, l’accessibilité, le prix.

114 Conditions de la constitution de la Bibliologie en science.

La Bibliologie doit répondre aux huit conditions suivantes qui sont nécessaires pour qu’il y ait science complète :

1. Un objet général ou spécial (êtres, entités, faits).

2. Un point de vue spécifique ou objet intellectuel distinct pour envisager ces faits et les coordonner.

3. Généralisation, faits généraux, concepts fondamentaux, lois.

4. Systématisation, résultats coordonnés, classification.

5. Méthode : avec ce qu’elle comporte : a) méthodes de recherches, procédés logiques ou de raisonnement ; b) classification, terminologie ; c) système des mesures ; d) instruments ; e) enregistrement et conservation des données acquises (Sources, Bibliographie).

6 Organisation du travail (division du travail, coopération, organismes nationaux et internationaux, associations, commissions, congrès, instituts couvrant les fonctions de recherches, discussion, décision des méthodes, enseignement et diffusion).

7. Histoire.

8. Application des divers ordres d’études et d’activité.

115 Objet propre de la Bibliologie.

1. Qu’est-ce qui dans le Livre lui est propre, qu’est-ce qui est proprement bibliographique ? On a déjà dit la distinction entre : a) la Réalité objective, b) la Pensée subjective ou l’état de conscience provoqué ou le moi par la réalité, c) la Pensée objective qui est l’effort de la réflexion combinée et collective sur ces données premières jusqu’à la science impersonnelle et totale, d) la Langue, instrument collectif de l’expression de la Pensée. Collection totale, tout livre contient ces quatre éléments associés concrètement en lui-même et que par abstraction seulement, il est possible de dissocier et d’étudier à part. Ce qui est propre au livre, c’est le cinquième élément : la pensée désormais fixée par l’écriture des mots ou l’image de choses, signes visibles, fixés sur un support matériel.

2. D’où ces trois conséquences : a) La Réalité, la Pensée objective ou subjective, la Langue ont chacune une existence antérieure et indépendante du livre. Elles s’étudient dans leurs connaissances respectives (Psychologie-Science-Linguistique). b) Au contraire, signes et supports sont bien le propre du livre et il s’agit dans les sciences bibliologiques de les étudier sous tous les aspects. c) Mais à son tour le complexe concret des idées, des mots, des images tel qu’il est incorporé dans le livre et le document (« biblifié » ou « documentalisé ») sont, à l’égard les unes des autres, dans la position de contenu et contenant. Leurs rapports, interinfluences, répercussions, sont à examiner, à leur tour et c’est là un domaine commun aux sciences du a et à celles du b.

3. Il y a lieu de poursuivre études et réalisations de la Documentation dans le cadre général de l’ensemble des connaissances et des activités en établissant des corrélations : a) avec les diverses sciences ; b) avec les diverses techniques et leur objet (Science Universelle, Technique Générale) ; c) avec les divers plans d’organisation (Plan Mondial).

4. Définir la Bibliologie, c’est caractériser le domaine sur lequel cette science étend son empire et en même temps indiquer les limites qui séparent ce domaine des voisins.

5. Il y a lieu de distinguer l’objet d’une science de la science de cet objet. La science c’est l’organisation des connaissances d’un objet. L’objet existe en dehors de la