Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/141

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
241
LE LIVRE ET LE DOCUMENT

il donne en peu de signes tout ce que le lecteur a besoin de savoir ; il replace les faits, les choses, les personnages dans leur vrai cadre, il résume les découvertes, le tout débarrassé des difficultés techniques et mises à la portée des esprits peu cultivés.

241.222 HISTORIQUE.

L’idée de réunir dans un seul ouvrage toutes les connaissances humaines est fort ancienne. Les premiers livres confondaient tout ; c’était des polygraphies dans toute la force du terme. L’œuvre du temps a consisté à distinguer les genres. Aussi les anciens livres sacrés, la Bible notamment, étaient de véritables encyclopédies. Moïse et Confucius ont été des centralisateurs. Les exposés de la philosophie antique, épanouis dans l’œuvre d’Aristote, offrent une idée de l’encyclopédie. Les écrits des polygraphes grecs, ceux de Caton, Varon et Pline, ont un caractère encyclopédique. Au Ve siècle de notre ère, Martianus Capella réunit en un seul livre les sept sciences qui composaient alors tout le savoir humain : grammaire, dialectique, rhétorique, géométrie, astrologie, arithmétique et musique. En avançant dans le moyen age, on rencontre des encyclopédies spécialement consacrées à telle ou telle science et connue sous le nom de « Summae » ou « Spécula ». Salomon, évêque de Constance, tenta au IXe siècle un Dictionarium Universale. L’œuvre littéraire gigantesque du moyen âge est l’encyclopédie d’Albert Le Grand, 21 volumes in-folio dans l’édition Jammy (1615) et 38 in-quarto dans l’édition Borgnet (1890-99). Saint-Thomas d’Aquin produisit sa Somme qui a traversé les âges. Sous le régime de saint Louis, au XIIIe siècle, le dominicain Vincent de Beauvais composa à la demande du roi, son Speculum historiale, naturale, doctrinale et morale, vaste compilation destinée à reproduire les notions éparses dans les divers écrits. Cependant dans tous ces ouvrages l’idée d’une encyclopédie demeurait encore incomplète. Des tentatives plus précises furent faites dès le commencement du XVIIe siècle. En 1606, un professeur de Brême, Mathias Martins, traça le plan d’une encyclopédie complète : Henri Alated publia à Herborn une Encyclopedia VII Tomis distincta (1620). Bacon, par sa classification méthodique des connaissances humaines (1620), sera le germe de ce qui devrait au XVIIIe siècle produire de véritables encyclopédies. Le dictionnaire historique et critique de Bayle (1696) a exercé une immense influence sur la direction des idées au XVIIIe siècle. On l’a appelé une œuvre à l’allemande, une compilation informe de passages cousus à la queue les uns des autres. L’auteur ne cherchait qu’un texte, un prétexte pour développer ses propres idées.

La plus célèbre des encyclopédies fut celle fondée par Diderot sous ce titre « Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et métiers, par une société de gens de lettres, mis en ordre par Diderot et quant à la partie mathématique par d’Alembert (1751-1772. 28 vol., suppl. 1776-1777, 5 vol. ; table analytique et raisonné, 2 vol. 1780). »

En tête de l’Encyclopédie fut donné le fameux Discours préliminaire, supérieur, disait Voltaire, à la Méthode de Descartes et égal à ce que Bacon a écrit de mieux.

L’Encyclopédie ne traitait que de certains sujets choisis relatifs aux lettres, aux arts, aux sciences ou aux métiers. Et elle les présentait dans leur ensemble.

Cet immense recueil fut plusieurs fois réimprimé. Monument grandiose des connaissances humaines et de l’esprit philosophique novateur, l’Encyclopédie fut un instrument de guerre en même temps qu’une œuvre de science. La Révolution y puisa la plupart de ses principes. Une infinité de publications du même genre ont paru depuis dans divers pays.

Les Encyclopédies se sont succédées en France, après la première. Le « Dictionnaire philosophique » de Voltaire. L’« Encyclopédie méthodique » éditée par Panckouke et Agasis (1782-1832) en 201 volumes ; articles classés par matières constituant de cette sorte une série de dictionnaires particuliers de diverses sciences. « Encyclopédie moderne » (1824-1832). « Encyclopédie des gens du monde » (1831-1844). « Dictionnaire de la Conversation. Encyclopédie nouvelle » (1834). « Encyclopédie catholique » (1838).

Le grand dictionnaire universel du XIXe siècle, de Pierre Larousse (1865) se propose ce programme : Combiner le dictionnaire et l’encyclopédie, enregistrer dans l’ordre alphabétique tous les mots, quels qu’ils soient, en groupant autour de chacun d’eux les faits et les idées qui s’y rattachent et en donnant l’explication immédiate, faire un dépouillement complet du savoir humain répondant à la formule « Instruire tout le monde sur toutes choses ».

En Angleterre, il y eut un mouvement encyclopédique parallèle à celui de la France et le devançant parfois. « The Encyclopedia » de Chambers est de 1728. L’Encyclopédie britannique publiée à Édimbourg (1771) a abouti à l’Encyclopedia Britannica de nos jours. (Voir ci-après.)

En Allemagne, de nombreuses encyclopédies furent aussi publiées. Celle de Zedler (1751), de Jablonsky (1767), de Koster (1778), de Hübner, l’Allgemeine Encyclopädie de Ersch continuée par Grüber (1818), le Konversations Lexikon de Brockhaus.

La Chine s’est montrée de bonne heure le pays des encyclopédies. Le Paï-Wen-Yun-Fou est celle qui contient avec la langue tout ce qui concerne la Chine dans l’ordre physique et moral. Il est dû à 76 lettrée réunis à Pékin sous la présidence de l’Empereur Khangh-hi, œuvre de 127 volumes terminée en huit ans (1711).[1]

  1. Sur les encyclopédies et les dictionnaires, voir Larousse, Dictionnaire Universel, Introduction et Ve Dictionnaire. Un exemplaire en 3,000 volumes de l’Encyclopédie chinoise a été donné aux Instituts du Palais mondial.