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DES LOIS EN GÉNÉRAL


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Synthèse Bibliographique

De l’ensemble des données bibliologiques il faut pouvoir dégager quelques rapports ou lois générales ; et, posant les problèmes fondamentaux, esquissés des solutions, fussent-elles anticipées et d’un avenir lointain. C’est l’œuvre de la synthèse, après celle de l’analyse.

51 LES LOIS BIBLIOGRAPHIQUES.

Il y a lieu d’abord d’examiner s’il y a des lois bibliologiques et comment il faut les concevoir. Puis quelles sont ces lois. Les lois émises pour universelles s’appliquent-elles aux livres ? Les lois établies dans d’autres domaines par diverses sciences ont-elles leur prolongement dans les domaines du livre et du document ? Y a-t-il en outre des lois propres aux livres, des lois qui se superposent aux premières lois, qui les prolongent ou en sont indépendantes.

511 Des Lois en général.

a) Toute science se constitue en plusieurs étapes. Dans l’une on en amorce l’étude par la récolte des matériaux et la confrontation des résultats des faits. Dans l’autre on établit les rapports permanents entre les faits, c’est-à-dire les lois. En Bibliologie il faut entendre des faits généraux, communs à tous les livres considérés comme un tout organique dont chaque livre est une partie.

b) Devant la synthèse, les systèmes sont deux. Pour le premier système, la synthèse n’est que l’exposé du changement de l’univers et des causes immédiates qui président à ces changements ; elle ne pourra à tout jamais être que cela. Pour l’autre système la synthèse est possible, ou il sera tout au moins possible de connaître la raison première des choses.

Or, la synthèse du livre et du document, doit provisoirement se maintenir dans le cadre du premier système car leurs raisons ultimes nous échappent.

c) En Bibliologie, il semble que l’on n’a rien à expliquer puisque tout y est le fait de l’homme, le fait connu de l’homme. Il n’y aurait donc à étudier que les relations de but à moyens afin d’élargir la conception des buts et d’améliorer les moyens. Il en est bien ainsi pour la plus grande partie mais, de même qu’il ne suffit pas qu’un acte soit notre fait, même volontaire, pour en connaître les causes réelles et les répercussions, de même le livre, qui est bien notre fait, reste soumis aux mêmes questions fondamentales de la science que toutes autres choses. Peut-être même à raison de sa complexité est-il de nature à présenter ces questions avec plus de profondeur et d’amplitude.

d) La recherche des lois, de leur réalité, de leur coordination, de leur simplification est l’œuvre continue de la science. C’est déjà faire œuvre scientifique de poser les problèmes, d’indiquer des solutions provisoires.

L’on est d’accord, de nos jours, pour reconnaître le rôle nécessaire de l’hypothèse et pour reconnaître que, dans son élaboration, la science a besoin de revêtir la forme de théorie tout en admettant à mesure des progrès acquis, de voir une théorie nouvelle, plus adéquate à la réalité, prendre la place d’une théorie antérieure.

Les grandes lois, formulées même à l’état d’hypothèse, sont fécondes en découvertes ultimes et surtout en applications dans l’ordre des inventions.

e) Dans toutes les parties de ce traité, des faits généraux ont été présentés. On y renvoie. Ce qui est dit ici en est le complément et, en quelque sorte, la superstructure.

512 Les Lois universelles et celles des diverses sciences
000000prolongées dans la Bibliologie
.

Un exposé complet, science par science, objet de science par objet de science, devrait examiner leurs rapports réciproques avec le Livre et la Bibliologie. On se bornera ici aux rapports les plus importants. Le Livre est à comparer successivement à un mécanisme, à un organisme, à un psychisme, à un sociologisme (voire à un théologisme).

Le problème ultime de la science et de la philosophie est de savoir si chaque ordre de phénomène est sui generis, s’il constitue une espèce distincte fondée sur un principe irréductible au principe de l’ordre antérieur, ou si, au contraire, il existe une continuité grâce à laquelle l’explication de l’ordre le plus simple, l’ordre physico-chimique, est suffisant.

Les lois scientifiques en général sont des explications des choses. Transportées d’un domaine à un autre, ces lois aident à mieux comprendre. Mille et mille arguments, empruntés à tous les ordres de la connaissance peuvent s’appliquer à l’examen des faits du livre et en renouveler la conception. Et la réciproque est vraie.