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BIBLIOLOGIE


gros, soit à remettre en un même volume trois ou quatre trop minces plaquettes, En principe, il importe que chaque œuvre distincte conserve son indivisibilité, même après la reliure ; c’est la condition d’un classement rationnel.

m) Les sous titres mal appliqués par l’imprimeur peuvent être rectifiés par le relieur, de telle sorte que l’identification ne soit pas troublée.

n) On peut recommander un solide cartonnage sur lequel est collé le titre même du livre broché, qui conserve ainsi l’aspect donné par l’auteur et l’éditeur.[1]

221.33 Rognage des livres.

Il est désirable que les livres soient remis aux acheteurs rognés (pages préalablement ouvertes). C’est un gain de temps pour tous ; c’est aussi une mesure de protection des livres. On peut faire des tirages spéciaux pour bibliophiles ; pour ceux-ci un volume n’a de valeur que s’il a conservé l’intégralité de ses marges ; alors seulement il pourra le faire relier comme il l’entend.

Une revue de 96 pages ne peut être coupée par le lecteur en moins de 4 minutes, dont la moitié du temps ne se confond pas avec la lecture ; c’est donc pour l’ensemble de 10, 000 abonnés une perte sur le temps de la coupe à la machine (qui exigerait environ 10 heures), de près d’un mois de travail à dix heures par jour.

222 Éléments graphiques : les signes.

222.0 Graphie en général.
222.01 Les signes en général.

Il y a les idées ou choses signifiées et les signes des idées ou choses signifiantes.

1. Le livre est l’expression de la pensée par les signes. Toute pensée qui s’exprime a besoin de signes extérieurs. À la suite de l’évolution, les deux plus importants parmi les signes sont devenus la parole d’une part, l’image de l’autre. La parole a été notée par l’écriture, sorte d’image, dont les principaux types sont aujourd’hui à base phonétique. L’image à son tour, concrète au début, a donné lieu à l’image abstraite dont sont sortis d’abord les idéogrammes et les alphabets et de nos jours les graphiques, les diagrammes, les schémas, les notations dérivant des alphabets ou formés de signes conventionnels.

Dans le Document, dans le Livre, l’écriture, l’image, la notation viennent prendre place et, au stade de l’évolution qui est le nôtre, elles se combinent et s’amalgament en des dispositions et des proportions variées pour, comme à l’origine, mais plus adéquatement, exprimer la Pensée le plus intégralement possible.

Dans l’écriture alphabétique, dit Condorcet, un petit nombre de signes suffit pour tout écrire, comme un petit nombre de sons suffit pour tout dire. La langue écrite fut la même que la langue parlée. On n’eut besoin que de savoir reconnaître et former ces signes peu nombreux et ce dernier pas assura pour jamais les progrès de l’espèce humaine.

2. En dernière analyse tout système de signes repose sur les propriétés physiques des corps qui se manifestent en vibration et sont perceptibles par les sens. Les vibrations sont visibles, audibles ou tactiles. Les dispositifs permettent la transformation des unes dans les autres. Il y a par suite des documents visibles, audibles et tangibles.

Tous les sens ont été utilisés pour les signes. On a imprégné le papier de certain parfum, par exemple pour écarter les mites ; on pourrait donc imaginer des livres destinés à donner des impressions odorantes diverses. On a donné au papier un relief, par exemple un gaufrage, un estampage, un perforage ou encore le pointillage de Braille pour les aveugles ; le livre s’adresse ainsi au sens du toucher. Le rouleau phonographique ou le rouleau du piano mécanique sont destinés à l’audition. Et on a le livre par l’écriture et l’image, c’est-à-dire pour la vue. Ainsi par la vue, l’ouïe, le toucher, le livre est devenu un instrument pour éveiller les sens, à tout moment, dans un ordre suivi, et pour susciter ainsi dans l’esprit un enchaînement d’idées et de sentiments.

3. Les écritures sont de deux formes : alphabétique et idéographique.

1o Un alphabet est une série de signes ou caractères qui probablement ont commencé à être des dessins, mais qu’un long usage a abrégés et simplifiés et qui sont utilisés maintenant comme symboles des sons élémentaires de la voix humaine. Les combinaisons de ces signes, que nous nommons lettres, forment des mots. Ces mots nous nous en servons comme signe des idées et nous les combinons pour former un langage. Comme ces combinaisons sont purement arbitraires et formées par chaque langage par lui-même, elles sont inintelligibles du peuple qui parle un langage différent.

2o Les idéogrammes comme les lettres, ont été des dessins d’abord mais ils sont devenus par long usage de simples marques faites aisément à l’aide de la plume ou du crayon. Ils ne sont plus des dessins mais de pures symboles arbitraires des idées, intelligibles pour les personnes qui les ont apprises et non pour les autres. Les idéogrammes qui n’ont probablement pas commencé à être des dessins, mais qui sont connus du monde entier sont les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 0.

Les signes mnémoniques existent à côté de l’écriture pictographique. Ex. : Le bâton du messager ; les quippos comme le nœud du mouchoir, les grains du rosaire, les encoches du boulanger.

4. Nous avons besoin d’une théorie générale du signe, chiffre, notation, alphabet, image. Nous avons besoin d’un système graphique universel embrassant tous les signes

  1. Cim : Petit manuel de l’amateur de livre. III.