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ÉLÉMENTS GRAPHIQUES

image d’un objet. L’image regardée dans le miroir ou dans l’eau paraît renversée.

b) On distingue l’image réelle de l’image virtuelle. L’image réelle est celle qui est formée en un lieu autre que celui qu’occupe l’objet, par le concours de rayons déviés par la réfraction ou par la réflexion, comme celle qui se forme en avant des miroirs concaves. L’image virtuelle est celle qui n’est pas due au concours effectif des rayons lumineux. L’œil en reçoit l’impression par une erreur des sens qui fait supposer l’existence de l’objet sur le prolongement en ligne droite des rayons déviés, comme celle que l’on perçoit en arrière de tous les miroirs.

c) Il y a en physique (optique) une théorie de la production des images ; en physiologie une théorie de la perception des images, en psychologie une théorie de l’association des images, en pédagogie une théorie éducative des images. La Bibliologie requiert une théorie de la transmission des connaissances par l’intermédiaire d’images de mieux en mieux faites, de plus en plus multipliées et répandues au maximum.

d) Dans une image : (paysages, portraits ou scènes de mœurs), il ne s’agit pas de relations exprimées, comme dans le langage (proposition, sujet, verbe, attribut) mais bien des relations implicites. Car ou bien l’image exprime des relations préexistantes en l’esprit dans lequel elles sont déjà traduites en mots ; ou bien l’image tracée à l’origine est traduisible ensuite en mots.

Les relations et les éléments de l’image sont soutenus par les objets figurés, par les propriétés qu’on leur y attribue (grandeur, forme, couleur), par les rapports de position qu’ils y occupent. L’image est de perception simultanée, alors que le langage parlé ou écrit est de perception successive. Cependant l’esprit ne saurait percevoir instantanément. L’esprit doit analyser les relations incorporées implicitement dans l’image et ensuite, ayant ainsi compris, il peut désormais se servir de l’image comme de substitution de la synthèse comprise, substitution dans laquelle il est à tout moment capable de retrouver tous les éléments analysés, et d’autres encore.

4. L’image et la mystique.

1o À l’origine l’image revêt un caractère magique, mystique, sacré. L’image n’est pas seulement une représentation. Elle est quelque chose de l’être représenté ni-même. (L’envoûtement, le double.) L’image participe du même caractère mystique que le nom de certains êtres qui ne peut même être prononcé. (Le nom de Dieu, l’Évangile qui est sacré, la Messe qu’on ne peut lire en langue vulgaire, ordinaire, etc.)

2o L’image « mentale » d’un objet est une réalité particulière, à côté de la réalité de l’objet ; il s’agit de la décrire exactement, de telle sorte que, de la seule description, se déduisent les propriétés particulières de l’image, qui l’opposent à l’objet physique et à la forme de l’image.

3o Paracelse disait que « l’homme se transfigure dans l’objet contemplé ou imaginé par lui ». Dans l’objet contemplé, parce qu’il reflète tous les progrès réalisés sous l’impulsion de l’espèce humaine ; dans l’objet imaginé parce que là, l’homme peut donner libre cours aux anticipations de son imagination et créer une image répondant à ses aspirations les plus hautes et à ses notions les plus précieuses de la perfection et de l’harmonie.

4o Les méditations connues et dirigées sur une image matérielle par sa forme même, son aspect sensible, deviennent le point de départ d’une suite d’autres images internes qui procurent un certain état mystique, la présence sentie d’un culte religieux.[1]

5o « Tout objet réduit d’une dimension à une autre ne peut jamais être reproduit d’une façon exacte. Le dessin d’une maison n’aurait que peu ou pas de signification, si nous n’avions jamais vu une maison ; nous n’y verrions que des lignes et des ombres, il ne nous suggérerait aucune idée. Un dessin sur une surface plane réduit un objet de trois dimensions à deux dimensions ; les tableaux représentatifs des périodes des mondes et des globes dans les ouvrages ésotériques, la réalité représente de quatre à sept dimensions et il s’agit d’interpénétration. Le dessin ici est analogue à la représentation du fonctionnement d’une montre en alignant les différentes roues sur un même plan. Les tableaux des réalités hyper-évoluées doivent être conçus spirituellement, sinon au lieu d’éclairer le sujet ils sont cause de confusion. »[2]

6o Dès que l’instinct du merveilleux eut fait admettre à l’homme l’existence d’êtres surnaturels, il éprouva le besoin de les représenter au moyen de figures sensibles, et il leur prêta l’aspect, les gestes, la physionomie des êtres vivants qu’il avait sous les yeux. Bientôt même il s’habitua à identifier les êtres divins qu’il avait conçus avec les images qu’il avait essayé d’en faire. De là le culte des images ou des idoles (idolâtrie signifie le culte des images).

De tous temps l’Église et les religions organisées eurent à s’occuper des images. Le rôle du double chez l’Égyptien ; l’interdiction des images aux Hébreux par Moïse. Les Grecs ne croyaient pas à la nature divine d’une statue de Diane ou de Jupiter, mais attribuèrent subtilement à certaines idoles vénérées des vertus tout à fait merveilleuses. Dans l’Église primitive, les images ne furent pas d’abord honorées publiquement. Vers le IIIe ou le IVe siècle l’Église commença à relâcher sa sévérité à cet égard. Les Musulmans attaquèrent les Chrétiens sur

  1. Le Berneucherner Bund dirigée par Wilhelm Stählin (Munster).
  2. Max Heindel. Cosmologie des Rose-Croix 1925, p. 201.