Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/109

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— De quoi peut-il vivre ici ?

— Ah ben !… il a son chapeau… vous savez bien que je vous disais qu’il accroche son chapeau sur la route… et nous tous, pas vrai, en passant, aujourd’hui l’un, demain l’autre, nous mettons dedans une croûte, un morceau de fromage, n’importe… pour du lait, il n’y a pas une fille là haut qui lui en refuse.

J’allais faire une autre question quand le père Henri reparut avec une grande jatte verte, qu’il déposa sur une planche de sapin appuyée sur deux pierres. Je voulus examiner la figure de l’ermite, mais son capuchon toujours rabattu ne laissait voir que sa longue barbe, jaunie comme le chanvre d’une quenouille. En même temps, le guide l’aidait à faire deux espèces de litières, où nous devions dormir. On couvrit la mienne de toutes les hardes qu’on put trouver.

— Ça fait, dit le guide, que nous pourrons passer de la table au lit.

Il fit entendre un gros rire. Le moine refusa de prendre part au repas, disant qu’il avait déjà soupé. Le guide tira un couteau de sa poche et se mit à dégrossir vaillamment le fromage et le pain, après quoi il but la moitié du lait qui était dans la jatte, et un grand verre de vin ; enfin il s’accouda pesamment sur la table, et se jeta peu après sur son grabat, en m’invitant à faire de même. Je n’avais pas faim, je trempai du pain dans un verre de ce vin, qui était vieux et fortifiant.

L’ermite récitait son chapelet au coin de l’âtre, la barbe branlante et le visage toujours caché. J’avais grand désir d’entamer la conversation, mais je n’osais interrompre ses