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Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/116

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gnie dans la maison, des femmes, de la jeunesse, des fous… pauvres gens !…

Le père Henri, s’étant encore arrêté, reprit d’un ton plus bas, mais plus animé !

— Un jour, nous allâmes en voiture à cette petite ville qui était proche. La grande barque nous y attendait toute pavoisée pour revenir par eau. C’était un jour de divertissement, par un beau soleil. Les femmes étaient parées, on ne faisait que rire autour de moi ; cette joie m’était insupportable. Ma femme ne manquait guère ces occasion de me mettre au supplice. Ce jour-là je l’avais tendrement avertie et suppliée avant le départ ; mais ma jalousie, c’est-à-dire les tortures qu’elle voyait se peindre sur mon visage, lui étaient aussi agréables que les hommages des étrangers. Il y avait ce jour-là plusieurs jeunes gens nouvellement arrivés et conviés à notre partie. Ils étaient gais, aimables, élégants, et s’empressaient autour des dames. Voulant observer ma femme, je m’étais assis près d’elle sur la barque, quand on partit. Après avoir visité la ville, la traversée devait durer quelques heures, il y avait bien à peu près cinq à six lieues de cette ville à la terre de Marcellin. Ces jeunes gens étaient sur un banc devant nous. Je reconnus bientôt que ma femme oubliait les prières que je lui avais faites ; ses regards effrontés me perçaient le cœur comme autant de coups de couteau. Je vois encore cet œil insolent. J’attendais qu’elle le fixât sur moi, et sans doute mon visage lui eût fait pitié, mais elle évitait de se détourner, elle me sentait souffrir à ses côtés, et elle souriait. Je lisais dans la contenance de ces jeunes gens le plus parfait dédain pour mon personnage.