Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/124

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Vide et l’estomac plein ; il faut être un de ces corps sans âme qui nous entourent, dont la vue est bornée en ce monde par une feuille de journal, et qu’on retient sous le joug avec un bout de ruban rouge ; mais si un cœur vous bat dans la poitrine, si des nerfs délicats frémissent dans tous vos membres, si les flammes de l’imagination vous ravissent au-dessus de cette foule, si vous avez conservé dans une âme mieux trempée la ferveur et les nobles élans de la jeunesse, où vous arrêterez-vous, si ce n’est aux pieds des autels ? où lèverez-vous enfin vos yeux désespérés, si ce n’est vers Dieu ? Ôtez le repentir à cet ermite, que devient-il ? un scélérat, un fléau de l’humanité. Eh ! que je voudrais donc voir se déchaîner, au milieu de ces gens tranquilles dont je parle, tout ce que les cloîtres et la religion leur ont enlevé de caractères indomptables, hommes farouches, ardents, ambitieux, sans peur et sans frein, cœurs pleins de haine que l’évangile a radoucis ; bouillants courages que la patience a ramollis, esprits mal nés et aveugles que la lumière a éclairés ! on les tuerait ; les lois sont là. Mais le mal serait commis, et puis les lois auraient fort à faire. Enfin pourquoi les tuer, vous qui ne les valez pas ? de quel droit ? au nom de quoi ? Ô gens tranquilles, vous n’êtes que ridicules, et vous seriez féroces ! Vous sortiriez de votre apathie pour vous faire assassins (je ne dis pas bourreaux, remarquez ; le bourreau suit le juge !) où est votre raison de toucher à la hache ? et voilà ce qui m’est venu naturellement à l’esprit à propos de cette horrible histoire.

Je veux bien enfin répondre à l’objection que tu m’as dû sans doute jeter à la tête beaucoup plus tôt. Pourquoi