connu dans une capitale… sans appui… sans protecteur… je suis descendu, mon cher ami, dans une auberge où l’on m’a demandé un petit écu par jour ! Un petit écu ! ils abusent, ils abusent de la position délicate d’un malheureux voyageur.
Mon père se mit à rire et ne se sentit point le courage, pour le présent, d’aggraver l’indignation du pauvre Thibault sur les tarifs parisiens ; il lui dit :
— Je te logerai près d’ici ; nous avons dans le voisinage un hôtel honnête où je te présenterai moi-même. Mais dis-moi, je t’en prie, après tout le plaisir que tu me procures, que viens-tu faire à Paris ?
Thibault fixa les yeux sur mon père et garda quelque temps cette attitude éloquente, bien que silencieuse ; puis il dit avec majesté :
— C’est l’affaire de toute ma vie ; le travail de quarante années… il y a quarante ans, mon ami, que je m’occupe de ce projet… je t’informerai de tout cela plus à loisir.
Il se leva et reprit d’un air pénétré :
— Mais, mon cher ami, puisque tu as la bonté de me venir en aide dans l’embarras où je me trouve, je dois te prévenir, avec la permission de ton aimable famille, qu’il y a urgence ; mes malles sont restées en cette maison inhospitalière, et je m’en vais aussitôt les faire transporter…
— Soit, dit mon père en se levant et plein d’indulgence pour les folles transes de son ancien ami.
Je passe la partie du personnage de Thibault qui nous concernait. Il ne s’en alla qu’après nous avoir adressé ses profonds saluts dans toutes les règles de l’ex-politesse