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Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/176

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tir. Ces messieurs n’étaient pas difficiles ; il les défrayait de reste par des bouffonneries qu’il savait bien lui-même affectées et de mauvais goût.

On lui proposait de jouer, et il jouait ; il joua et il perdit. Il perdit, et comme il n’avait pas d’argent, il dut souffrir qu’on payât pour lui. Il tomba ainsi dans la dépendance de cette compagnie. Sa gaîté prit peu à peu la tournure d’une flatterie. Il plaisantait parce qu’il était pauvre et que ces jeunes gens étaient riches, parce qu’il n’avait pas soupé et qu’ils soupaient, parce qu’il était triste, affamé, parasite, indiscret ; il plaisantait pour qu’on ne lui fît pas affront et qu’on le souffrît dans cette grossière société, lui qui avait du talent et de l’esprit ; il plaisantait pour un déjeuner, un verre d’eau, un morceau de pain. On ne veut pas faire un héros de ce pauvre garçon, et il faut dire les choses comme elles se passèrent. Il devint enfin le loustic du lieu, et ce fut une grande faute. Il devinait à peine, le malheureux, quel détestable rôle c’est là.

Les premiers jours, tout alla bien ; on écoutait, on admirait, on riait de tout cœur. En effet, quand Collinet se mettait en train, quand il s’échauffait à boire et que son esprit l’emportait, c’était une explosion de saillies et de fines parades qui transportaient l’auditoire, bien qu’il n’en sentît pas le meilleur. Mais bientôt ces messieurs voulurent rire avec lui comme il riait avec eux. Collinet les piqua d’émulation ; ils voulurent être plaisants aussi, et comme ils n’avaient pas d’esprit, ils furent brutaux ; ce fut la fable du léopard qui mêle ses ongles à un jeu de main chaude ; ils déchiraient au lieu d’effleurer ; ils ne pi