Ils ne se prenaient point à ses gentillesses. Ce caractère étrange et brillant les choquait ; leur méfiance s’exagérait la légèreté de ses propos. C’était pour eux un comédien, un artiste, un farceur. On sait ce que cela signifie en province ; de ces gens qui empruntent, qui grugent et font mille tours indélicats. Collinet avec son bavardage ne pouvait être d’une autre espèce ; ils ne se gênèrent pas en mainte occasion de lui laisser voir ce qu’ils pensaient. Un mot eût suffi à la sensibilité du jeune comédien ; mais ils allèrent plusieurs fois jusqu’à mettre ouvertement en doute son honnêteté et son honneur. Collinet ne résista pas à ces derniers coups. Il se vit sans défense et sans force contre de telles attaques. Sa condition le retenait d’un éclat ; il feignit de ne pas entendre, mais il résolut de rompre ces habitudes et de ne plus paraître à la Couronne.
Collinet ne fréquentait pas ses camarades, qui vivaient presque tous en ménage au milieu de leurs femmes et de leurs enfants. On était au mois de juillet ; la journée était longue et chaude ; il se trouvait désormais isolé, en proie à tout l’ennui d’une ville de province, quand pour comble de malheur, il tomba éperdûment amoureux.
Il avait l’habitude de sortir de la ville avec un livre, et d’aller lire le long des remparts, pour passer ces heures si pesantes au milieu du jour. Sa place accoutumée était une sorte de talus plein d’herbe où il se reposait à l’ombre. Ce talus faisait face à un jardin dont la grille entaillait le rempart, comme cela se voit à d’innocentes fortifications de provinces. La grille surmontait une terrasse à hauteur d’appui. On voyait de là une pelouse qui regagnait le per-