Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/191

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La présentation se fait avec un sérieux moqueur qui trompe heureusement tout le monde. Clémence reconnaît Collinet, et baisse les yeux. Collinet, quoique fort troublé, s’annonce de bonne grâce. Pelletier et les siens, à peine installés, s’entre-regardent, jettent un coup d’œil sur Collinet et partent sottement d’un grand éclat de rire.

Le coup était terrible ; Collinet se sentit défaillir. Personne ne comprend rien à cela. Les rires reprennent de plus belle, avec des chuchotements et force clins d’yeux vers Collinet. Cela passe pour une gaîté de jeunes gens, et l’on rit comme eux. Le comédien fait un effort, et, le plus adroitement du monde, posément, plaisamment, il explique cette gaîté et tâche de la détourner. Ce qu’il souffrait, c’est impossible à dire ; il souriait, mais sa chemise se mouillait d’une sueur froide. Clémence ne chercha pas d’autre explication, et applaudit. Pelletier et les autres n’en sont que plus excités. L’escarmouche devient grossière ; ils s’appuient les uns les autres, ils se parlent bas, lâchent des demi-mots, des sourires d’intelligence, des phrases platement équivoques, qui, pour Collinet, avaient un sens terrible. Heureusement M. Sorel était retourné au jeu.

Clémence n’entendait rien à ce qui se passait. Collinet pâlissait par moments, et son sourire s’altérait jusqu’à la grimace ; mais il parlait toujours, doucement, finement, et, la main crispée sous son gilet, répondait à chacun de ces messieurs. Il enveloppait dans ses phrases tout ce qui eût pu les toucher, et leur donnait en même temps un sens naturel et plaisant pour les étrangers. Il esquivait chaque épigramme, et la renvoyait aussitôt, ou du moins