Le directeur accourt éperdu. On juge de son état : salle comble, une pièce nouvelle, une recette à rendre, un parterre furieux, prêt à tout casser ! « Qu’est-ce ? qu’y a-t-il ? — Je ne puis jouer. — Vous jouerez ! — Je ne jouerai pas ! » Collinet se rassied et ne dit mot.
Le directeur se met dans une colère effroyable : — Cela est inouï, c’est incompréhensible ; on veut le ruiner : il fera jeter ce faquin en prison, il le traînera sur la scène, il le forcera de s’avouer coupable, de faire ses excuses, d’affronter les insultes de toute la salle ; enfin il va appeler la garde et le commissaire.
Cette menace ébranla Collinet ; il ne s’attendait pas à cet éclat inévitable et plus honteux que tout le reste. Le directeur revient, pleure, supplie ; toute la troupe se joint à lui. Collinet se lève tremblant et demande qu’on le laisse en repos ; il jouera. Tout rentre dans l’ordre : on lui donne ses habits, on le laisse dans un coin. Une fois son parti pris, et tout en endossant lentement ses haillons, il songea à ceci, que, toute honte bue, il pouvait si plaisamment et si bien jouer son rôle qu’il ne rebutât point Clémence, et qu’elle y prît plaisir, au contraire, et l’admirât. Il savait que le comique, si bas qu’il fût, amusait parfois les femmes, et ne leur répugnait pas comme on pensait. Il se souvint lui-même d’avoir plu ainsi à certaines créatures sans y tâcher. Il imagina de plus que les applaudissements et les transports du public n’en seraient pas moins un triomphe sous les yeux de la jeune fille.
Il achevait de s’habiller ; mais, tout en rêvant, il n’avait que médiocrement rembourré ses bas, et juste ce qu’il en fallait pour lui faire une jambe plus fournie et mieux