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Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/26

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Mademoiselle Fressurey fut admise au Conservatoire, et les complaisances de sa mère prirent une forme suspecte. C’est l’histoire de bien des mères. Où ne peuvent mener les premières faiblesses ? On s’indigne d’abord, on gronde, on pardonne ; puis on s’habitue, et l’on descend rapidement les derniers degrés de la honte. Ces deux femmes en vinrent là.

Cécile cependant n’entrait point au théâtre où elle devait faire fortune. La misère devint horrible ; les dernières ressources étaient épuisées. On figurait le soir dans les concerts avec des fleurs sur la tête, et l’on manquait de pain chez soi ; on vendait un dernier bijou pour acheter une paire de gants blancs ; et, après avoir régalé un auditoire brillant d’une cavatine italienne, il fallait regagner la maison à minuit dans la fange en souliers de satin. Cécile, qui n’avait plus rien à ménager, fut tout heureuse d’entrer dans les chœurs de l’Opéra-Comique ; elle prit là le nom de Juanita. Quant à madame Fressurey, elle devint une de ces mères de théâtre dont la vieillesse et la pauvreté font ressortir l’ignominie ; elle ne s’intéressait plus dans le monde qu’au gosier de sa fille, et ne trouvait rien à dire aux adorateurs, sinon qu’ils étaient pauvres ; car c’est le moindre châtiment des calculs cupides du vice, de ne recueillir que la pauvreté.

Pour comble de misère, Cécile, vers ce temps-là, fut affligée d’une cruelle maladie de poitrine, qu’il fallut aller guérir dans un hôpital. Dans un hôpital ! Cécile, la fille de feu Fressurey ! C’était pour en mourir. Elle n’en mourut point, préparée de longue main à tous les excès du malheur.