Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/283

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des cuivres qui se perdit en écho. Un bruit d’applaudissements succéda à l’orchestre. Stranz se leva en sueur et s’approcha en fourrageant sa perruque de son mouchoir.

— Çà, fit-il, qu’en dit-on ? Cela est-il bien clair ? Qu’a donc chanté cette musique ?

Tout le monde s’écria à la fois :

— Il ne faut point le demander — Vous triomphez ! — C’est admirable ! cela est trop évident.

— Silence ! reprit maître Stranz avec autorité ; il faut que l’opinion soit unanime. Vous d’abord, monsieur le conseiller, que vous a-t-il semblé voir ?

— Eh ! mais, sans doute, c’est une tempête. Le bâtiment sort du port par un temps doux. Le jour va finir, les flots battent mollement le navire, et l’on entend les chansons des matelots qui vont paisiblement s’endormir. Puis voilà des vapeurs fumeuses qui s’allongent vers le couchant. Les sifflements des basses imitaient parfaitement la bourrasque. La foudre éclate dans les ténèbres, et le bâtiment roule parmi les vagues avec un horrible fracas. Les passagers lèvent les bras vers le ciel entr’ouvert, et font les prières les plus touchantes du monde. Enfin, les trombones s’apaisent un peu, l’aurore commence à poindre à l’horizon, et l’équipage entonne une hymne de délivrance qui se mêle aux derniers grondements de l’orage qui s’éloigne.

Maître Stranz se mordait les lèvres d’impatience.

— Mais vous n’y êtes point ! dit une grosse baronne en turban vert. Ce n’est point cela du tout, monsieur le conseiller. Il n’y a pourtant pas à s’y méprendre : c’est une