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régiment est revenu vainqueur, et c’était moi que l’on portait en triomphe. J’étais ivre de joie et de fanfares. Enfin, j’ai entrevue un tabernacle en feu au fond d’une basilique, et des chants célestes tombaient des voûtes sur le peuple prosterné…

M. Stranz renversa trois bougies d’un coup de poing et sortit en courant. Le prince envoya après lui, de peur de quelque accident. La compagnie était consternée.

Un des musiciens nous dit alors que le sujet de la symphonie était la condamnation et le supplice du brigand Kirch.

— Ah ! fit tout le monde.

— Vous voyez bien, disait ce musicien, que l’introduction, vive et heurtée, tra tra hop ! tra hop ! tra hop ! représente à merveille l’arrestation du bandit et les cris de la foule amassée. La fin de l’adagio, douloureuse et lente, la hi la hi la ! ne peut que peindre l’isolement du cachot et les angoisses d’un homme qui se voit tout à coup livré à ses réflexions. — Maintenant à cette phrase des flûtes : tra deri dera deri. Voilà les remords. La conscience crie. Le bandit fait un retour sur lui-même ; il songe enfin qu’il est temps d’en finir. Quand les violons reprennent, la re la la la re la, il se confesse, il rentre en grâce avec son Créateur. Puis vient le rinforzando énergique. On le mène au supplice. Puis enfin, à ce staccato vigoureux, ran poum poum deri poum poum ! On lui coupe la tête. La société est vengée, et la dernière mesure se prolonge en cri d’effroi parmi la foule.

— À merveille ! s’écria-t-on de toutes parts, maître Stranz a raison !