retiré du service. Son âge m’étonna, et je l’aurais cru plus vieux qu’il n’était ; il n’avait pas plus de trente-trois ans. Sa vie n’avait été qu’un enchaînement de peines et de situations extrêmes, les plus mal faites pour un caractère doux, égal, et le meilleur qui fût jamais. M. Ronquerolles était un de ces hommes dont l’humeur paisible jure avec la rudesse des mœurs militaires ; qui ne tiennent du métier que sa grande régularité ; excellents soldats, moins l’ivrognerie et les coups de sabre ; aussi calmes sur un champ de manœuvres et dans les agitations d’une garnison qu’au coin du feu de leur famille, pour lequel ils semblent mieux faits ; bien vus de tous, quoique vivant à part, et, chose rare, aimés et redoutés à la fois ; un de ces aimables et heureux caractères qui m’ont toujours paru le plus précieux don qu’on pût tenir des bontés de la Providence.
Ronquerolles était entré de bonne heure au service par un coup de tête, comme on dit, mais qui fut peut-être pour lui un trait de prudence et de sagesse, se trouvant à dix-sept ans orphelin, sans état et sans ressources. Sa haute taille, son allure martiale, sa belle mine militaire ne pouvaient manquer de le servir ; mais je crois bien que cette enveloppe guerrière ne cachait qu’une vocation de savant. Ce n’était pas que le jeune homme ne se fâchât dans l’occasion ; il le fit voir, peu après son entrée au corps, à un vieux soldat insolent, qu’il envoya d’un coup de sabre pour deux mois à l’hôpital. D’ailleurs, Ronquerolles n’avait point gagné ses épaulettes en étudiant le carré de l’hypoténuse ; pendant cinq ans, en Afrique, il avait presque toujours commandé en chef de petits déta-