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les métamorphoses


tre pôle, vois-les fumer tous les deux ; si le feu les atteint, ton palais croule ; vois Atlas, haletant, soutenir avec peine, sur ses épaules, l’axe du monde blanchi par la flamme. Et si la mer, si la terre, si le palais des cieux vient à périr, nous retombons dans la confusion de l’antique chaos. Dérobe à l’incendie ce qu’il a épargné, et veille au salut de l’univers. » Elle dit, et ne pouvant supporter plus longtemps la chaleur, ni poursuivre sa plainte, elle retire sa tête dans son sein, et la cache au fond des antres les plus voisins de l’empire des mânes.

Cependant l’arbitre suprême prend à témoin les dieux et le maître du char lui-même, que, s’il ne prévient ce désastre, tout va succomber au plus cruel destin. Il monte au faîte des célestes demeures : c’est de là qu’il se plaît à répandre au loin les nuages sur la terre ; c’est de là qu’il fait gronder le tonnerre, que sa main même brandit et lance ses foudres ; mais alors plus de nuages dont il puisse envelopper la terre, plus de torrents à répandre du haut des cieux. Il tonne, et balançant son tonnerre à la hauteur de son front, il foudroie l’imprudent Phaéton, lui ravit du même coup et le souffle et le char, et dans ses feux vengeurs il éteint ceux qui décorent l’univers. Les coursiers s’épouvantent, ils bondissent en sens contraire, dérobent leur tête au joug, et laissent à l’abandon les rênes brisées. Là tombe le frein ; là, l’essieu arraché du timon ; ici, les rayons des roues fracassées ; plus loin les débris épars du char qui vole en éclats. Phaéton, dont le feu dévore la blonde chevelure, roule en se précipitant, et laisse dans les airs un long sillon de lumière, semblable à une étoile qui, dans un temps serein, tombe, ou du moins paraît tomber du haut des cieux. Loin de sa patrie, dans l’hémisphère opposé, le vaste Éridan le reçoit dans ses ondes et lave son visage fumant.

Les naïades de l’Hespérie recueillent dans un tombeau son corps où fume encore la triple foudre qui l’a frappé, et gravent ces vers sur la pierre : « Ici gît Phaéton, conducteur du char de son père ; s’il ne put le gouverner, il tomba du moins victime d’une noble audace. » Son père, plongé dans la douleur, couvrit son front d’un voile de deuil ; s’il faut en croire la renommée, un jour s’écoula sans soleil et sans autre clarté que les lueurs de l’incendie ; et ce désastre eut alors son utilité. Clymène exhale d’abord toutes les plaintes qu’un si grand malheur peut inspirer ; puis, en habits de deuil, éperdue et se meurtrissant le sein, elle parcourt le monde entier ; elle cherche les restes inanimés, ou du moins les os de son fils : elle ne trouve que ses os ensevelis sur une rive étrangère. Là, prosternée, à peine a-t-elle lu son nom gravé sur le marbre, qu’elle arrose le marbre de ses larmes, et le presse sur son sein nu, comme pour réchauffer les cendres qu’il renferme. Pénétrées d’une aussi vive douleur, les sœurs de Phaéton offrent à sa mort le vain tribut de leurs sanglots et de leurs larmes : elles se frap-