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OVIDE

Ta tête à son sein détesté,
Garde le tien, si pur, des excès de sa flamme ;
Nuls baisers, de ta part surtout.
Ose en donner !… je crie, en fondant tout à coup :
« Ils sont à moi ! je les réclame. »
Cela, je puis le voir ; mais combien j’aurai peur
Des privautés qu’un manteau cache !
Défends qu’à tes mollets, à ta cuisse il attache
Son dur genou provocateur.
Je crains ces libertés, me les étant permises ;
Mon propre exemple est mon tourment.
J’ai hâté bien des fois, sous un long vêtement,
L’heure des voluptés promises.
Tu seras sage… mais, pour me tranquilliser,
Repousse un voile trop commode.
Fais boire ton mari, remplis sa coupe en fraude, ;
Sans l’étourdir d’un seul baiser.
Quand il s’endormira dans une lourde ivresse,
Du temps, des lieux, inspirons-nous.
Tu quittes le banquet, et nous te suivons tous :
Marche au milieu de cette presse.
Tes yeux sauront m’y voir, mes bras t’y rencontrer ;
Alors touche mon corps fébrile.
Hélas ! pour peu de temps ma leçon est utile ;
La nuit viendra nous séparer.
Ton époux, réveillé, vers sa chambre t’emmène ;
Je reste à la porte en pleurant.
Dieux ! j’entends ses baisers… Le voilà savourant