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OVIDE

Laissant le gibier pris, le chasseur ubiquiste
Aux fuyards attache ses pas.
Nous, ton peuple, éprouvons la vigueur de ton bras,
Paresseux « pour qui te résiste.
Que te sert d’émousser tes flèches sur mes os ?
L’amour m’assimile aux squelettes.
Sans amour il est tant de garçons, de fillettes :
Vaincs-les, tes lauriers seront beaux.
En ne déployant pas ses forces hors du Tibre,
Rome restait un petit bourg.
Le vétéran lassé se dédie au labour ;
Au vert bondit le coursier libre.
Un port vaste reçoit le vaisseau ballotté ;
Les lutteurs vieillis s’affranchissent :
Et moi, que les baisers depuis longtemps pâlissent,
Je n’aurais pas ma liberté !

Mais qu’un dieu me l’accorde, et je reprends ma chaîne,
Tant ce servage a de douceur. !
Suis-je repu d’amour et veuf de toute ardeur,
Je ne sais quel vide m’entraîne.
Tel l’écuyer qu’au gouffre emporte un dur cheval
Dont il saccade en vain la bride ;
Tel l’esquif atterri qu’à la plaine liquide
Rejette un coup de vent fatal :
Au souffle ardent d’Éros ainsi partout je roule,
Et l’archer blond me court après.
Frappe, enfant : désarmé, mon corps s’offre à tes traits ;