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ORNEMENTS DU TEMPS D’ÉLISABETH.

et de sa famille, au palais de Hampton Court, quoiqu’elles soient, tant soit peu, grotesques et lourdes n’en sont pas moins des imitations soignées des modèles du cinque-cento ; et le plafond de la chapelle royale du palais de St. James, dessiné par lui en 1540, est dans le style dont il y a nombre de beaux exemples à Venise et à Mantoue.

Pendant le règne d’Élisabeth nous remarquons une grande prépondérance d’artistes hollandais, car une sympathie politique et religieuse liait alors l’Angleterre à la Hollande ; et quoique ces artistes soient désignés pour la plupart comme peintres seulement, il ne faut pas perdre de vue, qu’à cette époque les arts étaient intimement liés les uns avec les autres, et ce n’était pas chose rare que de voir des peintres occupés à dessiner des modèles pour ornements, tant peints que sculptés, et même des modèles d’architecture ; d’un autre côté les peintres trouvaient dans les accessoires de leurs tableaux mêmes de la place pour les dessins d’ornements, comme on peut le voir, par exemple, dans le portrait de la reine Marie, peint par Lucas de Heere, tableau qui a des compartiments à panneaux d’entrelacs géométriques, remplis de fleurons. Nous pouvons donc conclure, que pendant la plus grande partie du règne d’Élisabeth les états protestants des Pays-Bas et de l’Allemagne[1] exercèrent une influence importante sur les arts en Angleterre. Ce fut à la même époque que fut bâti le château de Heidelberg (1556-1559), qui a dû produire de l’effet sur les arts en Angleterre, d’autant plus qu’Élisabeth, fille de Jacques I. tenait sa cour comme reine de Bohême, à ce château, au commencement du dix-septième siècle.

Dans la dernière partie du règne d’Élisabeth et pendant le règne de Jacques I. les artistes anglais étaient très nombreux, et avaient, à ce qu’il paraît, tout le champ à eux, libre de tout concurrent, à l’exception de Jansen et de Chrismas ; c’est donc à cette période que nous devons nous attendre à trouver une école véritablement anglaise. Effectivement c’est à cette époque qu’appartiennent les artistes anglais dont les noms sont associés avec la construction et la décoration concomitante de bâtiments, tels que Audley End, Holland House, Wollaton, Knowle et Burleigh.

De même, on doit s’attendre à trouver dans les œuvres des artistes du règne de Henri, des ornements purement italiens ; comme c’est le cas en effet, non-seulement dans les sujets dont nous avons parlé déjà, mais aussi dans les exemples donnés planche LXXXIII., Nos. 1 et 3. Sous Élisabeth nous ne trouvons qu’une imitation légère des modèles italiens, et une adoption complète du style d’ornement pratiqué par les artistes décorateurs de l’Allemagne et des Pays-bas. Sous le règne de Jacques I. nous retrouvons le même style, continué par les artistes anglais d’une manière plus large, comme on peut le voir aux Nos. 5 et 1 1 de la planche LXXXIV., pris d’Aston Hall, construit dans la dernière partie de ce règne. Aussi, cette époque offre-t-elle fort peu de ce qu’on puisse appeler original dans le caractère des ornemsnts, lesquels ne sont que des modifications de modèles étrangers. Déja à la fin du quinzième siècle on peut découvrir le germe des enroulements à jour qui caractérisent cette époque dans les ouvrages décoratifs de l’Italie, tels que vitraux peints et livres enluminés. Les superbes ordures ornées, etc. de Giulio Clovio (1498-1578), élève de Giulio Romano, représentent déjà sur différents points, l’enroulement, les bandelettes, les pointes de diamants et les festons qui caractérisent le style du temps d’Élisabeth ; la même chose se voit dans les vitraux peints de la bibliothèque Laurentienne de Florence, par Giovanni da Udine (1487-1564) ; cette ressemblance est encore plus frappante dans les frontispices du grand ouvrage de Serlio sur l’architecture, publié à Paris en 1545. Quant à l’autre trait caractéristique qui distingue principalement les ornements du temps d’Élisabeth, savoir les entrelacs à rubans compliqués et capricieux, il faut en chercher l’origine dans les dessins aussi excellents que nombreux des graveurs, qui étaient connus sous le nom de « petits-maîtres » de l’Allemagne et des Pays-bas, tels que Aldegrever, Virgilius Solis de Nuremberg, Daniel Hopfer d’Augsbourg, et Theodor de Bry, qui ont présenté au

  1. Le monument remarquable de Sir Francis Vcre (temps de Jacques I.), à Westminster est presque identique pour le dessin avec celui d’Engelbert de Nassau, à la cathédrale de Breda (seizième siècle).
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