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LETTRES DE FRÉDÉRIC OZANAM

de l’édifice l’écharpe de soie enrichie d’or et de pierreries appelée la ceinture de la Vierge, ne pouvait-on pas dire que la cathédrale vivait, qu’elle était comme une personne glorieuse et immortelle, comme une épouse parée pour son époux ? Mais ce qui ajoute ici au charme infini de la beauté, c’est le charme des souvenirs. Ces magnifiques édifices sont les trophées des croisades italiennes, de ces croisades mal connues qui précédèrent, préparèrent, secondèrent les nôtres. Ce sont aussi les premières fleurs de l’art italien. L’architecte Buschetto, le peintre Giunta, le sculpteur Nicolas de Pise, ouvrent la longue suite de ces générations inspirées où Cimabue et Giotto ne viennent qu’au second rang. Florence reconnut longtemps cette supériorité pacifique ; ses plus grands artistes ne se croyaient pas sûrs de leur pinceau, s’ils n’avaient travaillé au Dôme, à Sainte-Catherine, à Saint-François, s’ils n’avaient étudié l’antique sur quelqu’un de ces marbres que les corsaires pisans rapportaient avec les dépouilles des nations vaincues. Le Campo Santo était pour eux ce que furent les jardins des Médicis pour les artistes du quinzième siècle, quand Laurent le Magnifique y réunit des statues, des bas-reliefs inestimables, et les livra à l’imitation des peintres et des sculpteurs.

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