Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/431

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les sujets de déclamation, dont l’école ne se lassait pas:les plaintes accoutumées de Thétis en présence des restes d’Achille, et les paroles de Ménélas devant les flammes de Troie;le plaidoyer de celui qui a sauvé la patrie, et qui demande en récompense la main d’une vestale ; les harangues solennelles pour l’inauguration d’une nouvelle école, pour féliciter un maître promu aux honneurs académiques. C’étaient les passe-temps qui enchaînaient la jeunesse de Rome, de Ravenne, de Milan, pendant que les barbares étaient aux portes, en pleine invasion et en plein christianisme. Le christianisme même, avec la gravité et l’humilité de ses mœurs, n’avait point supprimé l’usage des lectures publiques, où les poëtes de la décadence venaient demander à leurs contemporains les applaudissements que la postérité ne leur promettait pas. En 551, le sous-diacre Arator ayant présenté au pape Vigile ses deux livres des Actes des Apôtres mis en vers, tout ce qu’il y avait à Rome d’hommes lettrés en demandèrent une lecture solennelle. Le pontife indiqua l’église de Saint-Pierre-aux-Liens et la foule qui s’y pressait fut si grande, qu’il fallut consacrer plusieurs jours à relire sept fois le poëme d’unbout a l’autre, car on ne pouvait réciter plus de la moitié d’un livre à chaque séance, les auditeurs se faisant répéter les plus beaux endroits, et ne se lassant pas de les entendre. On comprend mieux les acclamations qui couvraient la voix d’Arator, quand on se souvient