Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/109

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vaincue et le monde prêt à subir les lois d’une théocratie qui risquait d’absorber le pouvoir temporel, mais qui devait ranimer la vie spirituelle dans tout l’Occident. Cependant, quelques années après, l’empereur Henri IV prenait Rome, intronisait un antipape à Saint-Jean de Latran : la force avait le gouvernement des consciences. En même temps Grégoire VII mourait à Salerne, et voici ses dernières paroles : « J’ai aimé la justice et détesté l’iniquité ; c’est pourquoi je meurs dans l’exil. » La chute semble plus effrayante que jamais ; car on voit périr, non pas un empire, mais la pensée même qui pouvait régénérer les empires. Pourtant cette fois les chrétiens ne croient plus à la fin prochaine du monde. Un des évêques qui assistaient le pape mourant lui répondit : « Seigneur, vous ne pouvez pas mourir en exil, puisque Dieu vous a donné la terre pour juridiction et les nations en héritage. »

En effet, du tombeau de Grégoire VII devait sortir le progrès chrétien du moyen âge, progrès trop connu, trop incontesté, trop éclairé par la science moderne, pour qu’il ne me suffise pas d’en marquer les principaux traits. La querelle du sacerdoce et de l’empire continue, toujours plus formidable à mesure que les deux puissances trouvent des représentants plus illustres : d’un côté, Frédéric Ier, Frédéric II, aussi grands hommes de guerre qu’hommes d’État ; d’un autre côté, Alexandre III, Innocent III, Innocent IV, politiques consommés et prêtres héroïques. Après deux siècles de lutte, l’empire vaincu renonce à mettre la main sur le