Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/128

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beaux siècles ; cependant le règne de Constantin et de ses successeurs, si souvent accusés d’avoir précipité la décadence, semble rendre un moment aux aigles leur vol, au génie latin son essor. Ammien Marcellin écrivit l’histoire avec la verve et la rude sincérité d’un soldat. Végèce, dans son Traité de l’art militaire, recueillit les préceptes de l’art de vaincre, avant que cet art eût passé aux Goths et aux Francs. Les contemporains de Symmaque le mettaient à côté de Pline pour l’exquise urbanité de ses lettres et l’élégance de ses panégyriques. Mais je m’arrête aux poëtes, et j’en distingue trois qui soutiennent la vieillesse de la muse païenne.

Claudien est le premier. Né en Égypte, abreuvé de bonne heure à ces sources savantes d’Alexandrie où les plus grands poëtes du siècle d’Auguste avaient puisé, il avait retrouvé une corde de la lyre latine rompue depuis le jour où Lucain se fit ouvrir les veines. Depuis la Pharsale, Rome n’avait rien entendu de comparable aux chants qui célébrèrent la disgrâce d’Eutrope ou les victoires de Stilicon. Seulement Claudien est si obsédé des souvenirs mythologiques, qu’il ne marche pour ainsi dire qu’entouré d’un nuage de fables, sans rien voir du siècle chrétien où il vit, sans rien entendre de ces grandes voix d’Ambroise et d’Augustin qui tonnent à Milan ou à Hippone, sans songer même à défendre les autels menacés de ses dieux. Il chante l’enlèvement de Proserpine, quand le culte de la Vierge Marie va prendre possession du temple de Cérès à Catane. Il convie les Grâces, les Nymphes et les Heures à parer de